Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Le Rocambole
On peut certes ne pas s’intéresser à ce que lisait le peuple, au sens large du terme, aux XIXème et XXème siècle. Mais dans le cas contraire, si l’on croise une fibre historique avec un goût pour la littérature, on se jettera sur la dernière livraison de cette revue (numéro été-automne 2018, double 83/84, 352 pages, 30 euros). Elle s’attaque à un lourd dossier : les 535 romans publiés par le quotidien Le Matin entre 1884 et 1944, dates de naissance et de disparition d’un des titres phares de la presse française, dirigé à compter de 1897 par un homme d’affaires très dynamique, Maurice Bunau-Varilla.
La rédaction du Rocambole et quelques chercheuses et chercheurs invités (au casting : Jean-Luc Buard, Daniel Compère, Marie Palewska, Alfu, Jacques Baudou, Denise Cima), se sont mis au travail pour nous offrir pas moins de onze articles érudits qui traitent de nombreux aspects de cet univers proliférant. Cela va des indispensables repères chronologiques à la question des romans feuilletons, celle des traductions, les diverses rubriques du quotidien, le rapport de l’entreprise de presse avec la société des ciné-romans. On découvrira même une annexe du Matin : Le Français, quotidien du soir, qui ne vécut que de 1900 à 1903.
Permettons-nous une remarque : l’article du rédacteur en chef Jean-Luc Buard : « Les feuilletons du matin au scalpel, méthodes et perspectives », définit le travail de ce numéro comme une véritable nouveauté dans l’histoire de l’étude du roman populaire, en ce qu’il prend en compte à la fois un support et un objet dans un contexte qui permet d’accéder gratuitement au corpus sur Gallica. Il aurait sans doute mérité d’être remonté dans le sommaire.
À signaler, pour prolonger l’intérêt des amateurs et/ou collectionneurs, quatre ouvrages qui viennent d’être édités dans la collection « Les papiers de Rocambole ». Ce sont des sortes de thèses consacrées aux grosses pointures de la littérature populaire, qui complètent un catalogue déjà fort de 22 titres. Bernard Alavoie: Georges Simenon, et le monde sensible. De la perception à l’écriture ; Jean Pierre Galvan : Eugène Sue et ses Mystères. Un manuscrit inédit de Mystères de Paris ; Louis-Pierre Coradin : Émile Gaboriau : le triomphe de la persévérance. Lettres inédites ; Alfu (Alain Fuzelier) : Les trésors de Gaston Leroux. À propos d’un extraordinaire roman double.
Les habituelles rubriques sont dignement représentées, en commençant par la vie de l’association des amis du roman populaire, éditrice de la revue. Dans « la malle aux docs », Maurice Caillot traite du lancement du roman Le Capitan de Michel Zévaco (1860-1918), lequel venait d’arriver au Matin, en 1906. On trouvera également « le Front populaire », avec une bonne dizaine de notes de lecture, « la revue des autographes » de Jean-Pierre Galvan, « le coin des pseudonymes et autres recherches » de Patrick Ramseyer, ainsi que les « contes du Rocambole » où Jean-Claude Buard a choisi de présenter quatre petits textes parus dans Le Matin.
La revue poursuit donc inlassablement sa longue et lourde tâche de mise à jour et en perspective des continents enfouis de la presse et de la littérature populaire, dont ce numéro double témoigne, s’il le fallait, des liens qu’ils entretiennent.
Toute commande d’ouvrage est à transmettre à : Encrages éditions, BP 40451, 80.004, Amiens, cedex 11, adresse où l’on peut également s’abonner à la revue pour un an, moyennant la somme de 50 euros. Sur le site des éditeurs du Rocambole, il est possible de vérifier la disponibilité des titres.
Les Cahiers de l’alliance
La Grande loge de l’alliance maçonnique française (GL-AMF) revendique aujourd’hui 15 000 adhérents, répartis en quelque 700 loges. Elle vient de se doter d’une revue de recherche, Les Cahiers de l’Alliance. Dans l’optique spiritualiste qui est la sienne, cette obédience masculine entend publier trois numéros par an, pour un abonnement à 56 euros (18 euros le numéro). C’est Jean-Claude Tribout qui en assure la rédaction en chef. Un format carré a été choisi pour le premier opus consacré à « La lumière… et les ténèbres ne l’ont pas reçue ». Francis Bardeau, Claude Beau, Jean-Philippe Bernard, Jacques Branchut, Jean Dumonteil, Gaston-Paul Effa, Gérard Luja, Michel Pomarède et Jacques Trescases ont prêté leur plume à cette aventure.
C’est une loge nationale de recherche qui est à l’initiative de cette nouvelle publication. Le Grand maître Jean-René Dalle rappelle dans son éditorial que deux textes ont déjà émané de cette structure, consacrés respectivement à l’initiation et au chant du monde. Il indique aussi que la GL-AMF pratique six rites. On pourrait souhaiter qu’à l’avenir les spécificités d’approche de ces rites soient exemplifiées dans la revue. L’impression que donne la lecture est en effet une certaine unité de contenu, très proche dans son caractère méta-religieux de ce qui peut émaner de la Grande loge de France, de la Grande loge traditionnelle et symbolique Opéra (GLTSO) ou de la Grande loge nationale française. On nous dit que Claude Beau, ancien Grand maître qui présente « La symbolique de la lumière selon rites et rituels », est spécialiste d’une analyse comparée de l’histoire et du contenu des rituels. Qui vivra verra...
Plusieurs rubriques complètent ce dossier, une visite dans le Bordeaux maçonnique joliment illustrée et une sélection bibliographique qui propose quelques notes de lecture.
La Raison
Ce mensuel (n°635, octobre 2018) de La Libre Pensée présente un dossier d’un classicisme absolu : la défense de la loi de séparation des églises et de l’État de 1905, annonçant des rassemblements les 8 et 9 décembre prochains devant les préfectures.
Le sommaire de ce n°635 commence par un parcours international qui concerne aussi bien le divorce juif (le guett) et son caractère inégalitaire qui perdure entre l’homme et la femme ; la corruption du clergé bouddhiste en Thaïlande ; le cléricalisme néo-nazi de la nouvelle extrême droite allemande ; les difficultés de l’interruption volontaire de grossesse (IVG) en Argentine ; les abus sexuels du clergé anglican en Grande-Bretagne ; la question du niqab au Danemark et un culte païen en Lituanie.
Vient ensuite la reproduction du discours de Christian Eyschen, porte parole de l’Alliance internationale de la libre pensée, au récent congrès de l’organisation française, qui pose la question de l’émancipation dans un cadre social et politique. Tout ce qui suit tient à la défense des militants laïques menacés et de leurs organisations, mais aussi d’une fixation, certes traditionnelle et ancienne, sur le catholicisme. Bien évidemment, la Sainte église apostolique et romaine bouge encore, même en France, jusqu’aux Jésuites, qui ont réussi à placer au sommet de la pyramide, un pape issu de leur section argentine et que le Président de la République française est allé embrasser à Rome, ce qui lui valut une volée de bois vert dans le précédent numéro de La Raison dont nous avons rendu compte.
Mais au train où s’écroulent cette église et son clergé, ce que nous avons plus d’une fois démontré dans notre revue Critica Masonica, il ne faudra attendre que quelques petites années pour demander qu’il ne soit plus tiré sur les ambulances. Ceci posé, pour ce qui est de la triste réalité des entorses à la laïcité, quid des différentes formes aigües d’islamisme, des protestants évangélistes, des sectes toujours à l’œuvre, dont les Témoins de Jéhovah, du mouvement Loubavich, et nous en oublions ? Quelle que soit leur obédience politique ou, parfois, maçonnique, les militants de cette organisation, en ce que la revue les représente en tout cas, nous semblent respectables, mais de plus en plus décalés, vintage diront les esthètes, relevant d’une sorte de contre-église en passe de perdre son ennemi historique. Or la loi de 1905, justement, sur la défense de laquelle on s’arque boute avec raison, porte sur la séparation des églises et de l’État.
Le compte-rendu du récent congrès du Comité national d’action laïque, présidé par Jean-Paul Delahaye, également signé de Christian Eyschen, tire à boulets rouges sur l’ensemble des organisations du paysage syndical et politique progressiste, à l’exception de la Confédération générale du travail (CGT) et de Force ouvrière (FO) et, non cité, du courant trotskiste lambertiste (le Parti ouvrier indépendant-POI), notant que les relations entre la Libre pensée et le Grand orient de France « n’ont pas été retissées ».