Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
Une franc-maçonnerie du quotidien
Dans Les Disparus d’Apostrophe, bande-dessinée de René PÉTILLON (Dargaud, 1982), un auteur surnommé Hector Carlos a écrit un ouvrage original intitulé Paul Claudel et la mafia. Il affirme sur le plateau de la célèbre émission littéraire : « J’ai reconstitué l’emploi du temps de Paul Claudel de 1886 à sa mort… J’ai lu toute sa correspondance en tentant d’établir des recoupements avec mes informations sur la mafia. Résultat : néant ! Pas le moindre lien entre Paul Claudel et la mafia ! Pas ça ! ». Un sujet comme « les maçons et les westerns » allait-il connaître le même néant ?
Heureusement, l’internet permet d’avoir à des données qui, auparavant, nécessitaient de longues heures de recherche en bibliothèque ou en cinémathèque. J’ai déjà pu apprécier la qualité des travaux de repérage de la « Grand Lodge [canadienne] of British Columbia and Yukon » et l’abondance des informations contenues dans l’Internet Movie Database-IMDb. Quant au visionnage de films sur lecteurs électroniques, il permet, grâce aux arrêts sur images, de repérer tous les détails qui échappaient aux visions distraites ou en flux ininterrompus. C’est comme ça qu’il est possible d’établir la liste des 6 westerns où la maçonnerie est présente explicitement, que ce soit à travers un personnage, une citation ou plusieurs objets. Ces films, de 1956 à 2010, sont les suivants : La Prisonnière du désert (The Searchers) de John FORD (1956) ; La Kermesse de l’Ouest (Paint Your Wagon) de Joshua LOGAN (1969) ; Cent dollars pour un shérif (True Grit) de Henry HATHAWAY (1969) et son remake de Joel et Ethan COEN (2010) ; Tombstone de George Pan COSMATOS (1993) etGettysburg de Ron MAXWELL (1993).
Le premier point commun de tous ces westerns est d’inscrire la franc-maçonnerie dans le quotidien voire dans une certaine banalité de l’Ouest. En effet, les personnages n’hésitent pas à s’entourer d’objets maçonniques : le tablier de Turkey Creek Jack Johnson (Tombstone) ; la montre avec chaîne du marshall du comté (Tombstone) ; le badge à équerre et compas d’un caporal (Gettysburg) ; la bourse siglée de Frank Ross et le cendrier du colonel G. Stonehill (Cent dollars pour un shérif, 2010). Pas étonnant, dès lors, que la jeune orpheline Mattie Ross (Kim BARBY et Hailee STEINFELD) de Cent dollars pour un shérif, donne l’ordre le plus naturellement du monde d’enterrer son père « revêtu de son tablier de maçon ». Dans tous ces westerns, les maçons ne se cachent pas. Mais le fait d’afficher aussi visiblement leur appartenance ne signifie pas pour autant qu’ils n’ont pas d’ennemis.
À suivre…