Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Arsène
Le conspirationnisme. Voilà bien l’un des ennemis ! Et lorsqu’une certaine forme délirante d’ésotérisme se greffe sur le mal absolu, alors la recherche critique devient une activité de santé publique. Le docteur (en sciences politiques) Stéphane François s’y est souvent attaqué.Ce spécialiste de l’extrême-droite et de l’ésotérisme qui lui est associé, récidive dans son dernier ouvrage où il tente de démêler les rapports que des complotistes avérés ont tissé entre le nazisme et une forme d’occultisme. C’est depuis longtemps une de ces marottes de la droite radicale, selon laquelle il existerait des explications cachées au cours qu’a pu prendre l’histoire et un lien secret entre le Führer et des sociétés secrètes installées en Germanie primitive, au sommet du Tibet ou au fin fond de l’Atlantide. Tout cela s’est étendu en plusieurs étapes.
Le plus intéressant dans ce livre, au-delà de l’analyse archéologique rigoureuse des discours, comme des parcours de ceux qui les tiennent, réside à notre avis dans la manière dont Stéphane François explique comment cet imaginaire a pu s’instiller, au-delà des cercles occultisants, dans la culture populaire. Cette imprégnation récente est intervenue dans un contexte de recul massif des religions dans les années 1970, propice à l’installation d’un continent de pensées moles, caractérisé entre autres aspects par un relativisme absolu. Ce cadre incertain et ce syncrétisme à géométrie variable permettent d’intégrerles plus anodines variations de science-fiction et de recycler les pires horreurs.
Juste avant, il y aura eu,en 1960,Louis Pauwels avec son Matin des magiciens (Gallimard), grand succès éditorial écrit avec Jacques Bergier, où déjà, la puissance du national-socialisme était expliquée par son aspect occultiste. La revue Planèteenfoncera le clou à partir de 1961, un quart des quarante numéros traitant de ce thème. Puis ce sera l’essor du réalisme fantastique et d’une littérature pseudo-scientifique. Le tirage moyen dans ces années d’un livre traitant d’un thème historique « revisité » était de 50 000 exemplaires, une force éditoriale dont l’auteur note avec humour qu’elle ne menace pas, encore moins aujourd’hui qu’hier, les chercheurs en sciences humaines.
PourStéphane François, le problème s’est amplifié depuis une quinzaine d’années avec une nouvelle montée en puissance du complotisme, relayée par Internet et les réseaux sociaux. Il existe cinq raisons majeures à cette nazimania : le mystère (la légende des fusées V7), l’hétérodoxie (la critique de la pensée dominante), le conspirationnisme (les universitaires officiels cachent la vérité sur la vraie nature du national-socialisme), l’élitisme (ceux qui savent, forment une minorité d’exception distincte du troupeau) et l’imaginaire racial (avec le triptyque : aryanisation, inégalité, racisme). Nous ne pouvonsdonc que conseiller à nos lecteurs de s’armerpacifiquement de ce livre et des précédents de l’auteur. Contre les déplorations, une seule solution : l’exploration de la pensée de l’adversaire et, ici, des ennemis.
Signalons pour conclure les trois ouvrages précédents de Stéphane François : Au-delà des vents du Nord. L'Extrême droite française, le Pôle nord et les Indo-Européens(Presses universitaires de Lyon, 2014) ; La Modernité en procès. Éléments d'un refus du monde moderne(Presses universitaires de Valenciennes, 2013) etÀ la droite de l’acacia, de la nature réelle de la franc-maçonnerie ? (Éditions de la Hutte, 2012 avec une préface de Jean Solis).
Retrouver les travaux de Stéphane François en vous abonnant à la revue Critica Masonica :
Stéphane François nous fera bénéficier de sa production, dès le n°6, avec un texte sur le sinistre Julius Evola.
Nous reviendrons en détail, dans le n°7, sur les typologies de la nazimania que décline Stéphane François.
La recension d’À la droite de l’acacia, de la nature réelle de la franc-maçonnerie ? a été faite par Joël Jacques dans le n° 3 de Critica Masonica de janvier 2014.