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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Ces idées venues d’ailleurs : le care (1a/c)

Ces idées venues d’ailleurs : le care (1a/c)

Julien Vercel

Essais de définition

Dans une tribune relative à la réforme des retraites et parue dans Le Monde du 14 avril 2010, Martine Aubry appelait de ses vœux la construction d’une « société du soin » : « N’oublions jamais, non plus, qu’aucune allocation ne remplace les chaînes de soins, les solidarités familiales et amicales, l’attention du voisinage, l’engagement de la société ». C’est ainsi que le care a fait irruption dans le débat politique français. Puis a disparu. Sans doute d’abord parce que cette notion promeut d’avantage la responsabilité, la pratique et le contexte et beaucoup moins ce qui caractérise encore l’esprit français : le droit, la théorie et l’universalisme. Retour sur un concept qui ne prend décidément pas.

C’est dans un entretien à Médiapart le 2 avril 2010 que Martine Aubry a détaillé ce qu’elle entendait par care : « Il faut passer d’une société individualiste à une société du care, selon le mot anglais que l’on pourrait traduire par soin mutuel : la société prend soin de vous, mais vous devez prendre soin des autres et de la société ». L’origine du concept est en effet anglo-saxonne. Ainsi, Carol Gilligan défend l’idée que les femmes, par le soin qu’elles prennent des plus vulnérables, font entendre Une voix différente (Flammarion, 2008). C’est Joan Tronto, professeur de théorie politique à l’université de New York, qui fait évoluer le concept du féminisme vers le politique (Un Monde vulnérable, pour une politique du care, La Découverte, 2009). Elle a ainsi montré que si les actions de « se soucier de » (caring about) et de « s’occuper de » (taking care of) étaient l’apanage des hommes et des puissants, les actions de « prendre soin » (care giving) comme de « recevoir le soin » (care receiving) étaient l’apanage des femmes, des travailleurs immigrés et des faibles. Le care est donc dévalorisé comme les personnes qui l’exercent. Or, selon elle, les programmes politiques devraient ajouter le care aux autres engagements démocratiques comme les Droits de l’être humain pour rendre les citoyens plus responsables, plus attentifs aux besoins des autres et meilleurs démocrates.

Ensuite, il est possible de lier le care à d’autres notions qui ont émergé récemment. Au « pouvoir latéral » fondé sur l’entraide et la collaboration horizontale qui, selon Jeremy Rifkin, doit remplacer le pouvoir centralisé (La troisième révolution industrielle. Comment le pouvoir latéral va transformer l’énergie, l’économie et le monde, Les Liens qui libèrent, 2012). Avec Richard Sennett, un lien peut aussi être fait avec « la coopération » qui passe par le développement de « la sensibilité aux autres, la capacité d’écoute et l’implication pratique de cette sensibilité dans le monde du travail » (Ensemble pour une éthique de la coopération, Albin Michel, 2014 et entretien, Libération, 1er février 2014). Enfin, il y a du care dans « l’économie positive », altruiste, tournée vers les générations futures, pour une croissance responsable, comme le résume Jacques Attali (Rapport Pour une économie positive, Fayard et La Documentation française, 2013 et entretien, Tendances de l’innovation sociétale, 15 janvier 2014).

Malgré son échec en 2010, Martine Aubry récidive. Dans sa contribution pour le prochain congrès du Parti socialiste, intitulé « Pour réussir », elle propose « de construire la société du share, du dare et du care : oser le partage et la bienveillance envers autrui, oser la rencontre avec les autres, sans a priori ». Pas sûr que trois termes anglo-saxons soient plus convaincants qu’un seul.

À suivre

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Question à l'étude des loges:<br /> share, dare,care, fraternité, sororité.
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