Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
À propos de Plaidoyer pour la fraternité d’Abdennour Bidar (Albin Michel, 2015)
Marie Balda
Abdennour Bidar, professeur de philosophie, chargé de mission au ministère de l'Éducation nationale, producteur sur France Culture où il relaie le regretté Abdelwahab Meddeb (Cultures d’Islam), invite ses lecteurs à repenser la Fraternité dans un court essai, simple et sincère, un plaidoyer pour cette notion ternie, affaiblie et depuis longtemps peu posée, voire impensée de notre devise nationale. Passée l'émotion terrible des attentats parisiens de janvier 2015, il propose vite et sans relâche de reconsidérer le vivre ensemble.
La fraternité : c'est par elle qu'il faut commencer ou recommencer.
Par elle, comme substrat à tout nouveau pacte citoyen.
Refuser la division au profit du rassemblement et partant, refuser la terreur au profit du courage.
Une fraternité sans laquelle ne peuvent se réveiller et se réchauffer les valeurs de liberté, égalité, citoyenneté et laïcité. Il s’agirait plus largement de repenser en action le vœu unifiant, incantatoire et désormais inopérant de Liberté/Égalité/Fraternité et même celle d’égale liberté dans la fraternité…
Le jeune homme peu privilégié qu'il se souvient d'avoir été en Auvergne, rend hommage au « génie laïque ». Il fait gloire à l'intégration (ce que l'on peut moduler : accueil, réception, vivre ensemble oui ! Intégration, assimilation et leurs colorations post coloniales et bien pensantes d’une Europe sûre d’elle ?). Mais ce n'est pas le cœur de son propos.
Il recentre : pas de laïcité sans fraternité, sans se connaître, se reconnaître, s'accepter, se nourrir intellectuellement et culturellement les uns les autres.
La nation française n'est pas fondée sur le sang, mais sur le désir de fraternité universelle. N'oublions pas la Révolution et ne nous arrêtons pas là.
La France n'est pas le gendarme du monde, ni son maître économique : notre travail, c'est cette fraternité à restaurer.
Il choisit de positiver et d’avancer : les drames de janvier scellent les liens entre la France et l'Islam, rapprochent, si elles le veulent bien, deux sociétés mises un temps dos à dos, l'une privilégiant la liberté humaine, l'autre le sacré.
Si on en parlait ?
La diversité est à prendre en compte comme un fait.
Il n'y a pas de fraternité dans la fracture sociale. Qui est mon voisin, qui est l'autre ?
L'unité n'est pas l'uniformité, il n'est pas besoin de se ressembler pour se rassembler.
Mais on ne naît pas fraternel, on le devient.
Une fraternité qui ne pousse pas toute seule et est à cultiver.
Sinon, c'est la guerre. Froide ou chaude.
Poursuivant sa « Lettre au monde musulman » de janvier, Abdennour Bidar invite les Musulmans à développer un rapport affranchi à l'Islam.
Aidons cela en donnant à l'Islam des lieux de culture (et de cultes moins occultes peut-être ?), plutôt que des chefs religieux.
Bidar exprime un ras-le-bol vivifiant du défaitisme cynique et immobiliste.
Dont acte. Prenons le sacré à bras-le-corps, redéfinissons-le, intégrons-le, lui, et laïquement !
Parmi dix mesures concrètes venues clore sa démonstration, avec un enthousiasme discutable, il propose :
. de créer un ministère de la fraternité, dans le cadre d'un « réchauffement spirituel » de la planète ;
. de travailler à changer la culture du monde du travail ;
. de réenvisager un « revenu citoyen » minimal ... et ne pas passer son temps à gagner sa vie ;
. de créer des espaces, des fêtes de la fraternité.
Urgentes idées à appliquer en revanche que les grand travaux suivants :
. la notion de fraternité, comme base de la morale à l'école et toute première leçon de l'enseignement du fait religieux, en l'installant comme un socle, en veillant et ne pas faire de la fraternité une croyance, mais en montrant bien que toutes religions se rencontrent sur le fondement de cette fraternité ;
. l'initiation et l'entraînement aux débats des jeunes sur les valeurs ;
. la casse des logiques de ghettos : désenclavement, mixité, mobilité ;
. l’organisation d’États généraux de la pensée de l'Islam : débats, création de chaires universitaires, études laïques de la religion musulmane… et les autres ;
. un service civique obligatoire ;
. la réhabilitation de l'esprit des mouvements d'éducation populaire pour tous et à tous âges ;
. le soutien de l'État à toute initiative citoyenne, solidaire, génératrice de fraternité.
Soyons créatifs.