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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Ces idées venues d’ailleurs : du gender anglo-saxon à la « théorie du genre » française (3c/c)

Ces idées venues d’ailleurs : du gender anglo-saxon à la « théorie du genre » française (3c/c)

L’Instrumentalisation politique

Julien Vercel

Au départ, l’Église catholique joue un rôle important dans la diffusion de la « théorie » du genre. Benoît XVI fournit les arguments de base qui seront repris par la suite. En 2004, dans sa Lettre aux évêques sur la collaboration de l’homme et de la femme dans l’Église et dans le monde, le pape d’alors dénonce le « genre » qui serait responsable de l’« occultation de la différence ou de la dualité des sexes », de la « mise en question de la famille » et de la « mise sur le même plan de l’homosexualité et de l’hétérosexualité ».

Une première polémique surgit en France quand les études de genre font l’objet d’un chapitre dans un manuel de sciences de la vie et de la terre (SVT). La droite extrémiste et religieuse de Christine Boutin adresse une lettre ouverte au ministre de l’éducation, Luc Chatel, le 31 mai 2011, où elle dénonce « une idéologie qui consiste à nier la réalité : l’altérité sexuelle de l’homme et la femme ». Le 24 juin 2011, l’évêque de Montauban, Bernard Ginoux, reprend les faux arguments pontificaux : « Il y a là une grave question pour la société. Le refus de la différence homme/femme laisse chaque personne décider de ce qu'elle est : il n'y a plus un donné avec lequel nous apprenons à vivre, il n'y a donc plus de création : je me crée selon mon inspiration pour prendre la fonction, le rôle social que je veux. Il y aurait donc toute possibilité de couple, toute forme d'union, tout mariage possible. Comment une société peut-elle se fonder sans cette distinction homme/femme ? ». L’Union pour un mouvement populaire (UMP) suit. Quatre-vingts de ses députés demandent, en vain, le retrait du chapitre de ce manuel. Hervé Mariton affirme le 31 août 2011 : « La théorie du genre n’est pas une réalité scientifique, elle n’a pas sa place dans un tel manuel » et Jean-Marc Nesmes, député UMP de Saône-et-Loire, saisit même la Mission interministérielle de lutte et de vigilance contre les dérives sectaires !

La seconde vague de polémiques naît lors des débats sur le « Mariage pour tous » et de ses suites. Là, le relais est très vite pris par l’Union nationale interuniversitaire (UNI) qui met en ligne une pétition le 12 avril 2013 et fonde un « Observatoire de la théorie du genre ». La droitosphère (Civitas et les identitaires) multiplie les conférences anti-genre en mai 2013. Les militants de la « Manif pour tous » et du « Printemps français » lancent le site « Vigigender » en août 2013. Ils sont encouragés par les prises de position d’intellectuels de droite comme Alain Finkelkraut qui affirme : « Ce que j’observe, en revanche, chez les individus postmodernes, c’est, avec la théorie du genre par exemple, la volonté de n’être que volonté, de réduire toujours plus la part non choisie de l’existence et de bricoler leur identité à leur guise » (Libération, 16-17 novembre 2013). Reste à l’UMP en mal de popularité, à s’engouffrer une nouvelle fois dans le mouvement, espérant refaire l’unité des droites sur le dos du « genre » : le 28 janvier 2014, Jean-François Copé n’hésite pas à « entendre l’inquiétude des familles », après la « Journée de retrait de l’école » et Nathalie Kosciusko-Morizet déclare encore le 30 janvier 2014 : « Je suis contre la théorie du genre ».

L’égalité fait pourtant partie des principes qui gouvernent la République française et même au-delà. L’Union européenne a inscrit l’égalité entre les femmes et les hommes dans sa Charte des droits fondamentaux. Le préambule de la Constitution du 27 octobre 1947 est intégré au bloc de constitutionnalité et il dispose notamment : « La loi garantit à la femme, dans tous les domaines, des droits égaux à ceux de l’homme ». La constitution française de 1958 dispose, dans son article 1er : « La loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales ». Enfin l’article L121-1 du code de l’éducation prévoit un enseignement de l’égalité entre les femmes et les hommes.

L’être humain a connu plusieurs bouleversements scientifiques et intellectuels qui ont affecté sa façon de penser sa place dans le monde et parmi les vivants : Copernic, Galilée, Darwin, Freud… Aujourd’hui le concept de genre vient encore bouleverser un autre ordre qui se pensait éternel : celui des inégalités entre les femmes et les hommes. Mais l’ignorance et l’anti-intellectualisme préfèrent dénoncer la science au nom du « bon sens ». Or les études sur le genre prouvent simplement que la différence sexuelle est à l’origine de différences injustifiables de destins sociaux. Elles ne disent pas que les normes n’existent pas ou qu’elles sont fausses, elles expliquent seulement qu’elles changent au cours de l’histoire. C’est cela qui est insupportable pour tous les gardiens de l’organisation traditionnelle familiale et de la domination masculine.

Fin

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