Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
À la lecture de La Modernité désenchantée. Relire l’histoire du XIXe siècle d’Emmanuel Fureix et François Jarrige (La Découverte, 2015), le siècle qui installa la République en France doit être plus vu comme celui de la démocratisation que comme celui de la démocratie. Ne serait-ce que parce que, outre l’aventure coloniale, il faut attendre la Libération de 1945 pour que le suffrage deviennent véritablement universel. Le XIXe siècle ne fut donc pas cette « marche inéluctable du progrès, de la République et de la modernité », il connut moultes doutes, hésitations et oppositions. En 2015, nous saisissons bien ce que purent être ces incertitudes vécues deux siècles plus tôt, même si les apparences sont trompeuses, car la République est aujourd’hui dans quasiment toutes les bouches.
Nous avons d’un côté, Manuel Valls, premier ministre qui dégaine la République plus vite que son ombre, véritable joker brandi pour échapper à toute question sociale embarrassante.
D’un autre côté, nous avons Nicolas Sarkozy en chef de l’opposition qui veut rebaptiser son parti englué dans les affaires de financement. L’Union pour un mouvement populaire (UMP) deviendrait « Les Républicains » lors de son congrès fondateur le 30 mai prochain après une présentation en bureau politique le 5 mai. Certains dénoncent la proximité de l’appellation avec le « Parti républicain » américain. 66% des Français trouvent d’ailleurs que ça fait trop américain (sondage Odoxa, 16-17 avril 2015). D’autres s’offusquent qu’un parti de droite s’accapare la République qui est notre « patrimoine commun ». Jean-Noël Jeanneney, historien, parle même d’« une indigne captation d’héritage » (Le Monde, 15 avril 2015). Et l’avocat Christophe Leguevasques envisage de porter l’affaire devant la justice ! Édouard Philippe, député-maire UMP du Havre, résume la pensée de beaucoup de Français de droite comme de gauche : « Ce serait méconnaître ce qu’est la République. Par définition, elle rassemble les gens qui ont des conceptions différentes de l’intérêt général, mais qui se reconnaissent dans quelque chose de plus large. En nous nommant Républicains, c’est comme si nous vidions la République de son sens. Je trouve cela dangereux » (Libération, 22 avril 2015). Car le plus grave est bien là. C’est au moment où il s’affuble du titre de « Républicain » que Nicolas Sarkozy, dans une filiation qui regroupe Laurent Wauquiez, Patrick Buisson et le Front national (FN), dénonce « l’assistanat » (c’était encore le cas le 8 avril devant les élus départementaux de l’UMP). Tout comme le FN, l’ex-président de la République prend pour cible l’État-providence en montrant du doigt ceux qui profiteraient du système. Ainsi, il diffuse l’idée que l’État-providence serait manipulé par des « profiteurs ». Si la dénonciation de « l’assistanat » restait un des piliers du discours de la droite, ces nouveaux « Républicains » iraient alors tout naturellement également puiser leur solution à la même source d’extrême-droite. Et alors que la République s’était fondée sur un principe universel et sur ce qui unit, la solidarité ; leur République qui vient se fondera sur le principe identitaire et sur ce qui sépare, l’exclusion.