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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Que dire de la Mère-Loge écossaise de Marseille ?

Que dire de la Mère-Loge écossaise de Marseille ?

Guy Chassagnard

Repris et très légèrement adapté, avec l’aimable autorisation de l’auteur, depuis miscellanea-macionica.fr)

Peut-on parler de « Loge Écossaise » lorsque l’on se penche sur le passé de la loge Saint-Jean d’Écosse de Marseille ? Ne devrait-on pas plutôt qualifier celle-ci de « Loge française » dans la mesure où son échelle des grades, constituée au milieu du XVIIIe siècle, fut sensiblement similaire à celle d’un Rite français à naître ? Qu’importe, puisque ladite loge se montra, en son temps, hors normes et rayonna d’un éclat tout particulier dans le monde maçonnique, dans et en dehors du royaume de France. Les origines de cette loge, qui se posa alors en rivale de la Grande Loge de France, n’ont jamais pu être élucidées :

Muni de pouvoirs datés d’Édimbourg du 17 juin 1751, un Écossais entré en France à la suite de Jacques II, George de Walmon, fonda le 27 août 1751, une loge à Marseille, sous le titre distinctif de « Saint-Jean d’Écosse », puis il céda ses pouvoirs à un membre de cette loge, Alexandre Routier, qui les transporta à son tour le 17 mai 1762, à la loge à laquelle il était affilié, qui prit alors le titre de « Mère-Loge Écossaise de Marseille ». Cette loge devint rapidement la rivale de la Grande loge anglaise de France. Elle fonctionna avec activité jusqu’en 1793, constituant de nombreuses loges-filles en Provence, dans le Levant et dans les colonies. Lorsqu’elle reprit ses travaux, le 10 mars 1801, elle prit le titre de Mère-Loge écossaise de France. Ses travaux ne prirent fin qu’en 1815.

Une origine imprécise

Un texte, que divers auteurs ont repris partiellement ou en entier, nous est fourni par Gustave Bord dans son ouvrage historique. Dans sa brièveté, il pose davantage de questions qu’il n’apporte de réponses. On s’interrogera donc longtemps sur la personnalité d’un sieur de Walnon (De Valnon, Duvalnon ou autre) qui aurait été contemporain d’un roi mort en 1701, soit cinquante ans plus tôt (!), ainsi que sur l’authenticité de ses pouvoirs, en se posant la question de savoir si la création de Saint-Jean d’Écosse n’aurait pas plutôt à voir avec une loge écossaise, fondée à Marseille deux ans plus tôt sous l’égide des Élus parfaits de Bordeaux. À lire, à ce propos, cette lettre d’un frère Jullien envoyé de Marseille à la Très respectable Mère-Loge de Bordeaux le 6 janvier 1750 :

« Très Respectables Frères, Notre Respectable Loge, entièrement établie depuis un mois par la réception des Écossais Trinitaires, a l’honneur de vous remercier des bontés que vous avez eues de donner les pouvoirs au Respectable Frère Sallarts. Nous vous prions de nous les continuer. Nous suivrons exactement les sages Règlements que nous avons de votre part. »

Il faut toutefois se souvenir que les Élus parfaits de Bordeaux ne s’intéressaient qu’aux grades supérieurs. Quoi qu’il en soit, la Loge Saint-Jean d’Écosse a bien existé à Marseille, établie au départ pour ne délivrer que des grades symboliques. Il est plausible, écrit Paul Naudon, que la loge fût bien créée en 1751 et qu’elle commençât très tôt à essaimer, activité normale de la part d’une loge. En fait, on trouve trace en 1753 de la fondation de sa loge-fille de la Martinique. Ce rôle de Mère-Loge deviendra vite très important, bien que la loge ne prît, semble-t-il, que tardivement ce titre, ce qui ne change rien aux choses.

Un brouillon de rite français ?

Ce qui est important, c’est de noter que la loge choisit dans les hauts grades « écossais » alors connus : Élu, Écossais, Chevalier d’Orient, soit six degrés avec les trois degrés symboliques, puis un Rite en sept degrés. La Mère-Loge de Marseille pratiquait alors quatre grades supérieurs, savoir ceux de Maître élu des Neuf (4e), d’Écossais vrai d’Écosse (5e), de Chevalier de l’Épée, de l’Orient ou de l’Aigle (6e), enfin d’Émané d’Heredon (7e). À quelle date ? Rien ne l’établit. Il semble que cela se fit progressivement. Le système ressemble en tout cas fortement à ce qui sera installé par la Chambre des grades du Grand orient après 1784, hors le quatrième ordre de Rose-Croix.

Un exemple de l’instruction donnée en loge aux Écossais vrais d’Écosse :

Demande. - Êtes-vous Écossais ?

Réponse. - Je suis Élu Parfait.

D. - Quel est l’ouvrage d’un Parfait ?

R. - Rectifier ses mœurs.

D. - Où voyagent les Élus Parfaits ?

R. - Dans la voûte sacrée.

D. - Par où êtes-vous passé ?

R. - Par un long corridor.

D. - Qui avez-vous rencontré ?

R. - Un Maître Élu qui m’a demandé le mot de passe.

D. - Donnez-moi le mot de passe ?

R. - Sch…, Sch…, Sch…

D. - Que renfermait la voûte sacrée ?

R. - La parole innommable.

D. - Quelle est cette parole ?

R. - C’est celle qui a été perdue et retrouvée.

Un essaimage international

À citer parmi les divers orients ayant été dotés d’une loge-fille par Saint-Jean d’Écosse et utilisant ses propres rituels : Barcelonnette, Bastia, Nîmes, Salon, Île de France (Maurice), Constantinople, Gênes et Smyrne. À signaler que le tableau de ladite loge pour l’année 1784 portait les noms de 207 membres : y figuraient notamment ceux de 55 Chevaliers d’Orient, 27 Écossais, 11 Élus, 22 Maîtres parfaits et, seulement, de 65 maîtres maçons symboliques. Sur le tableau de 1789 étaient inscrits les noms de 11 gentilshommes, 128 négociants, 11 fonctionnaires, 14 capitaines de navire, sans oublier 32 titulaires de professions libérales et 11 « artisans ». Saint-Jean d'Écosse était, à cette époque, placée sous l’autorité d’un vénérable ayant au moins le grade d’Écossais.

En sommeil sous la Révolution, la Loge Saint-Jean d’Écosse se reconstitua avec plus de 400 membres comme Loge-Mère écossaise de France de 1801 à la chute de Napoléon. Mais, elle ne put cependant survivre à l’Empire.

Références :

-Gustave Bord, Les sept Grades de la Mère Loge écossaise de Marseille : 1751 (manuscrit et translation typographique : 1812) éditions du Prieuré, 1993 et La Franc-maçonnerie en France, des origines à 1815, Nouvelle Librairie nationale, 1909 ;

-Paul Naudon, Histoire, rituels et tuileur des Hauts Grades maçonniques, Dervy-Livres, 1978 ;

-Saint Jean d'Ecosse, Mère loge écossaise de Marseille, Rituels des 7 grades de la maçonnerie écossaise, transcription, analyse et commentaires, Ubik-éditions et Loge Mare Nostrum, 2011 ;

-Suprême Conseil des États-Unis, Juridiction Nord, Documents de la Collection Sharp

-René Verrier La Mère Loge écossaise de France à l’Orient de Marseille, 1751-1814, édition du Centenaire, 1950.

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