Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Adon Qatan
OUPS ! Lorsque nous écrivions précédemment l'article « Cahots niôztiques » sur le même thème, c'était en ignorance totale des derniers événements lamentables concernant nos pseudo-néo-gnostiques (on peut écrire aussi « néo-pseudo-gnostiques ») que nous avons l'habitude de dénommer plus simplement « niôztiques ».
C'était en ignorance aussi des « liens » exacts entre la prétendue « Église gnostique chaote » (EGC) du non moins prétendu Tau Héliogabale et Jean Solis, et surtout du schisme « pontifical » hallucinatoire de ce dernier par rapport à la première, avec l'onctueuse complicité de la néo-curie de Cordes-sur-Ciel.
Tout cela peut paraître pathétique ou comique, ou tragi-comique..., mais on peut surtout se demander si tout cela est réel, sincère et authentique.
Quant à l'authenticité des « Églises niôztiques », la chose est claire et nous avons déjà commencé à examiner la question dans deux articles précédents (le coup de gueule « Pseudognosis ad nauseam » dans Les cahiers de l'ailleurs n°5 et les « Cahots niôztiques » subséquents) et un à venir (dans la dernière partie de « La Gnose : le mot & la chose » à paraître dans un prochain numéro de Critica Masonica).
Bref, l'occultisme, le spiritisme, la parodie d'un catholicisme mâtiné de luciférisme, le pseudo-catharisme, le rosicrucianisme, la mauvaise alchimie pétaradante, le surréalisme, le jungisme, etc..., ne font pas gnose, pire, ils constituent un obstacle majeur, de par leur subjectivisme et leur nature intrinsèque (pour faire court), pour toutes tentatives sérieuses de résurrection d'une École gnostique ou d'une autre – souvenons-nous de la diversité foisonnante de ce grand mouvement messianique d'il y a au moins 2000 ans, d'où l'erreur relative de parler de Gnose au singulier.
Mais, à la lecture des réactions de T. Héliogabale suite à l'article « Connaissez-vous l'Église gnostique & apostolique de la Rose+Croix ? » par Géplu dans le blog maçonnique Hiram.be, un doute immense nous envahit.
Un doute, donc, sur la sincérité et par conséquent sur la réalité de tout cela.
Car que lisons-nous ?
« (...) Et pour les églises gnostiques sérieuses (ce que l'Église gnostique chaote ne revendique pas) » ou encore « Soyons franc : la gnose c'est pour s'amuser, aussi, autrement autant aller au GPDG » (tous les deux publiés le 13 septembre 2015).
Aveux éloquents de l'épiscope du chaos ! Son EGC, c'est de la blague ! Et on est en droit de supposer que les autres micro-Églises liées à cette dernière sont animées par le même « esprit ».
Mais alors, qu'est-ce que tout cela veut dire ? Pourquoi « monter » une ou plusieurs « petites » Églises pour rigoler ? Pourquoi s'intituler « évêque » (d'ailleurs « divaguant ») ? Et surtout d'où diantre a-t-il vu que « la gnose c'est pour s'amuser » ?
Certes, il nous faut reconnaître que les études et recherches sur le domaine gnostique sont loin d'être ennuyeuses, mais si l'on en fait de surcroît une recherche spirituelle, on ne saurait, comme d'ailleurs n'importe quel croyant de n'importe quelle religion, prendre cela à la farce ou à la légère.
Si l'on définit la foi intérieure comme un postulat métaphysique déterminant le reste des convictions (à ne pas confondre forcément avec cette foi extérieure qui n'est qu'obéissance rituelle et morale), il est évident qu'à titre individuel, c'est du sérieux –a fortiori si l'on est animé par une vocation et une quête spirituelle.
On l'aura compris, l'évêque niôztico-chaotique ne fait pas religion, mais plutôt théâtre comique, à moins qu'il confonde les deux, sans aucune conviction solide réelle, si ce n'est celle de l'athéisme et de la plaisanterie.
Cette « gnose » pour « s'amuser », c'est évidemment la Niôze des Doinel-Bricaud-Ambelain, et T. Héliogabale semble bien avoir conscience de sa nullité puisqu'il y oppose « les église gnostiques sérieuses » –mais est-ce aussi le cas du néo-surréaliste jungien, « incohériste », le cordais Tau Sendivogius et de son nouveau comparse Tau SponToPhoros ? (Remarquons au passage que cet autre pseudo de monsieur Solis, après vérification et malgré les apparences, ne veut strictement rien dire en grec !)
Car il existe bel et bien quelques rares gnostiques renaissants sérieux, dont l'auteur de ses lignes fait partie (et c'est ici une critique gnostique, et non maçonnique, que nous faisons), mais aussi, à l'autre bout de l'histoire en quelque sorte, des descendants des anciennes écoles gnostiques et gnosticistes, tels les Mandéens, les Yézidis et toutes les variantes de « Chi'isme (théologiquement) extrémiste », les Shabaks et les Kakaïs irakiens, les Ahl-e Haqq ou Yaresans iraniens, les Alévis turcs, les Alaouites syriens (eh oui ! La religion des tyrans al-Assad), les étranges Druzes libano-syriens, les différents types d'Ismaéliens, et certaines Écoles soufies, presque tous gravement persécutés (et parfois à couteaux tirés les uns contre les autres), et tous ignorants de leurs origines préislamiques à l'exception remarquable des Mandéens, et de certains Yézidis.
Que l'on comprenne donc bien que le parti spirituel des anciennes gnoses, même dérivé ou mâtiné d'une religion officielle (comme un Islam ou un autre), reste majoritairement sujet à l'oppression, la déportation, l'esclavage et la disparition pure et simple, dans un monde où règnent et se disputent principalement les religions ultra-démiurgiques, littéralistes et légalistes du sunnisme, des « orthodoxies chrétiennes » diverses et du matérialisme athée nihiliste et dissolvant.
Nous-mêmes, l'École gnostique originelle dont nous nous réclamons a disparu corps et biens dans les premiers siècles de l'ère chrétienne (IVe, Ve siècles. ?) dans les circonstances que l'on imagine –en fait, un groupuscule devait subsister difficilement dans les montagnes du Kurdistan, parmi d'autres survivants qui formèrent ces fédérations tribales que sont le Yézidisme et le Yaresanisme.
Ce n'est pas amusant, de ce point de vue aussi et il n'y a pas de quoi se moquer, parodier ou caricaturer d'une manière ou d'une autre.
C'est pourtant ce que font les Monsignori-Tau Untel et tous les leurs.
Et puis, il y a le problème de l'attachement à la vérité. Ces gens font persister une légende moderne qui prétend à l'histoire secrète, légende façonnée autant par des Francs-Maçons occultistes que par l'antimaçonnisme catholique du XIXe siècle, pseudo-histoire, mensonge marginal et complotiste qui continue d'arranger d'aucuns.
La question reste donc : pourquoi ? Et finalement à quoi servent ces micro-Églises ou sectes paramaçonniques ? Quelle est leur finalité réelle et quels intérêts servent-elles ?
En ridiculisant le mouvement gnostique antique et ses survivants (quels qu'ils soient), en faisant perdurer une falsification historique qui arrange autant les ignorants volontaires, les fainéants intellectuels, les escrocs, que les grandes Églises constituées (dont certaines sont criminelles au regard de l'histoire) et en utilisant les nouveaux moyens médiatico-publicitaires du web pour exister, ces gens et ces groupes dégoûtent et/ou détournent les personnes qui seraient susceptibles de s'intéresser à une renaissance gnostique authentique.
En premier chef, le Vatican qui n'en finit pas d'être en perte d'influence, peut les remercier. En second lieu, toutes les autres organisations religieuses, politiques et sociales sacrificielles et démiurgiques, et in fine le système mondial global, qui seraient tous théoriquement en danger si une certaine Gnose radicale revoyait le jour.
Voilà à quoi servent ces repoussoirs que sont les Niôztiques théâtreux et farceurs : à être (à leur façon) des gardiens du système, de cet « Empire qui n'a jamais pris fin » comme dirait Philip K. Dick –la nouvelle « Église » de « Tau SponToPhoros » affirmant d'ailleurs être une « filiation du Saint Empire romain germanique » (sic, en allemand ça se résume par le mot Reich !).
Et puis, ne s'intitulent-ils pas « évêques » c'est-à-dire surveillants (du grec pluriel episkopoi) ? Et nous devinons au service de quels archontes... (songeons à l'acronyme EGARC de l'« Église spontophorienne ») et pour surveiller quel désert des Tartares.