Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Isabel Hernandez-Fernandez (traduction Yolande Bacot)
4/ Les Obédiences mixtes et féminines
Le Droit humain en Espagne
L'établissement du Droit humain en Espagne commença en 1915 avec la création, à Madrid, d'un triangle sous le nom de San Albano. Le principal promoteur en fut, à cette époque, Manuel Trevino, égyptologue distingué et théosophe, qui, avec l’aide des Frères du Grand orient espagnol (GOE), étendit la maçonnerie mixte à l'Espagne.
En 1928, la première juridiction espagnole du Droit humain comptait 5 loges: San Albano à Madrid, Luz à Almería, Comte de Saint-Germain à Barcelone, Hermes à Málaga et Zanoni à Séville. De la même manière, y furent intégrés un Triangle à Bilbao appelé Fenix et un chapitre Rose-croix du nom d'Esperanza.
Une fois révolues les dictatures de Primo de Rivera et de Berenguer, le Droit humain se développa, comptant comme représentant au Suprême conseil mixte, Mateo Hernández Barroso, issu du GOE. Mateo Hernández Barroso fut directeur général des communications et télégraphes durant la Seconde République, étant un proche collaborateur de Diego Martinez Barrios. Durant la Guerre civile et avant son départ en exil au Mexique, il collabora avec la juridiction Sud du Suprême conseil du 33ème degré des États-Unis, le Grand orient de France, la Grande loge de France et la Fédération française du Droit humain à l'évacuation des frères et sœurs espagnoles. Il conservera sa charge en exil jusqu'à sa mort en 1963, étant en outre Grand maître du GOE en exil, détenant ainsi une fonction à la fois dans la maçonnerie masculine et dans la maçonnerie mixte.
La Femme en maçonnerie après la restauration de la démocratie
La maçonnerie mixte du Droit humain ne revint en Espagne qu'au moment de la mort du général Franco. La Fédération française fonda la loge La Luz Vuelve à l'Orient de Irún-Fuenterrabia en 1974, bien que cette Loge n'eut pas de pérennité. Ce n'est que le 24 juin 1978 que quelques frères et sœurs, aidés par les membres du GOE fondèrent, à Barcelone, la loge Ferrer y Guardia qui sera la loge pionnière du Droit humain. Plus tard, furent fondées, en 1979, El Alba de Levante à l'Orient de Valence et Libertad à l'Orient de Madrid en 1980.
Dans les années 1980, se créèrent le chapitre Rose-croix El Fenix, la loge de perfection La Escuadra de Plata et plusieurs loges bleues, entre autres La Llum de la Terra à l'Orient de Gérone, Harmonia à l'Orient de Barcelone, Perseverancia à l'Orient de Miami-Platja, Tarragone, ce qui permit de constituer la Fédération espagnole. Au début des années 1990, se maintenaient dans l'Ordre seulement El Nivel, Libertad, Igualdad et Alba de Levante. Ces quatre Loges passèrent à la Nueva Juridicciόn Espagnola qui avait été créée le 23 mars 1981, sous la conduite de Danièle Juette, élue, en 2007, Grand maître de l'Ordre et accompagnées par la loge Constancia qui rejoignit les rangs du Droit humain.
Actuellement, il existe des loges à Barcelone, Valence, Madrid, Alicante, Saragosse, Murcie, Vigo, Oviedo et Séville, un triangle actif à Castellόn et d'autres en formation à Malaga, Badajoz, Pampelune et Saint Sébastien. La Fédération compte aussi un triangle du 33ème degré, un Aréopage, un Chapitre et deux loges de perfection.
L'apparition de loges féminines indépendantes
La création de loges exclusivement féminines et indépendantes émerge en 1980, sous les auspices de la Grande loge féminine de France (GLFF). Trois sœurs espagnoles de Valence, Barcelone et Madrid se forment à la loge Illibeis de Perpignan pour élever postérieurement les colonnes de la loge Luz Primera à Barcelone (1984) et la loge El Crisol à Madrid (1988). Entre 1991 et 1995, deux Loges féminines virent le jour en Catalogne, Asiya del Canigό à l'Orient de Gérone et Yetzirab de Montserrat à l'Orient de Barcelone travaillant en catalan. À Madrid, faisant partie de la GLFF, s'ouvrit en 1992 la loge Templanza et, en 1999, se mit en route aux Canaries un triangle crée par la loge El Crisol.
En novembre 2004, les loges El Crisol et Templanza comme le triangle des Canaries décidèrent d'abattre leurs colonnes par décision unanime de leurs membres compte tenu de l'impossibilité de trouver un accord avec les sœurs appartenant aux loges catalanes pour créer une Grande loge féminine d'Espagne. En effet, celles-ci avaient sollicité unilatéralement et obtenu de la GLFF la patente pour la création de la Grande Loge féminine d'Espagne, excluant les maçonnes qui travaillaient dans d'autres Orients d'Espagne et qui appartenaient à la même obédience.
Deux ans après, en 2006, la Grande loge féminine d'Espagne (GLFE) travaille essentiellement en Catalogne, presque toutes les Maçonnes hors de la Catalogne, qui faisaient partie de la GLFF, travaillent de nouveau à l'Orient de Madrid et à l'Orient des Canaries, au sein de loges de création nouvelle, Cibeles, Templenza et Tara, au REAA, sous les auspices de la Grande loge symbolique féminine lumière et harmonie de l'État de Veracruz (Mexique), intégrée à la Confédération des grandes loges du continent américain.
Autres Obédiences Mixtes
En 1992, la Grande loge symbolique espagnole, obédience jusqu'alors masculine, initie la première femme après avoir accordé, la même année, la pleine intégration des femmes. En l'an 2000, une femme, Ascensiόn Tejerina parviendra au grade de Grand maîtresse et devient ainsi la première femme élue à la tête d'une obédience en Espagne. Elle appartient au groupe des obédiences membres du Centre de liaison et d'information des puissances maçonniques signataires de l'appel de Strasbourg (CLIPSAS) et s'auto-désigne comme obédience mixte (elle permet l'existence de Loges exclusivement masculines, exclusivement féminines ou mixtes), adogmatique (elle n'exige pas la croyance en un dieu, accueille les croyants, agnostiques et athées), libérale (tous les offices sont élus au suffrage universel). Elle fait partie de l'Espace maçonnique européen et de l'Union maçonnique de la Méditerranée.
Le Grand orient ibérique est une obédience maçonnique qui couvre aussi bien l'Espagne, le Portugal que la France et dont la caractéristique est de travailler majoritairement au Rite français ou « moderne ». Il fut fondé en 2001 par des loges portugaises et espagnoles. Il prit le nom de l'obédience homonyme dont l'existence éphémère au XIXème siècle laissa place au GOE, intégré actuellement à la Grande loge d'Espagne. Aujourd'hui, le Grand orient ibérique se définit comme une obédience libérale, adogmatique et mixte. Il compte 14 Loges, lesquelles peuvent être masculines, féminines ou mixtes tant dans la péninsule ibérique qu'en France.
Le Grand orient ibérique tient sa patente du Grand orient de Belgique et des accords et traités d'amitié avec, entre autres, le Grand orient lusitanien, la Grande loge symbolique espagnole, le Grand orient latino-américain, la Fédération colombienne des loges maçonniques, la Grande loge du Maroc.
Il y a peu de temps, le Grand orient de France qui possède quelques Loges en territoire espagnol, a commencé à recevoir des femmes dans des ateliers mixtes.
Il convient de mentionner aussi l'existence de la Grande loge régulière d'Espagne du Rite Memphis-Misraïm avec des loges mixtes, deux aux Baléares, une à Murcia et une autre à Madrid.
Le processus d'intégration de la femme espagnole à la maçonnerie a été à la fois long et difficile. Il reste beaucoup de chemin à faire pour parvenir à égaler les structures des autres pays européens comme, par exemple, la France.