Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
D’abord des nombres, aussi austères soient-ils, qui sont ici pris dans une statistique proposée par François Koch en juin 2014, dans son article : « 22 obédiences, 174 848 frères et sœurs ! ». Sont indiqués les effectifs transmis par les obédiences dont il s’avère, après plusieurs vérifications, qu’elles ne trichent pas. Le double tableau ci-dessous prend en compte les 15 structures qui dépassaient 900 membres à cette date.
À noter : pour la Grande loge européenne de la fraternité universelle (GLEFU), il s’agit ici d’un dispositif à deux niveaux. Le groupement de loges réunies autour de la GLEFU comporte 150 loges et environ 2600 membres (2016). Sont directement rattachées à la GLEFU : 35 loges pour environ 750 membres. Le nombre de femmes est d’environ 15% et semble en forte croissance (source: GLEFU).
Quant aux autres obédiences citées dont parle le journaliste de L’Express (car il en encore existe bien d’autres, mais microscopiques), elles sont :
-Grande loge symbolique de France (GLSF), issue de l’éclatement de la GLNF, principalement implantée en Bretagne : 550 (300 hommes et 250 femmes) ;
-Grande loge française de Memphis-Misraïm (GLF MM), la moins petite des obédiences masculines ou mixtes de ce rite : 500 (375 hommes et 125 femmes) ;
-Loge nationale de française (LNF) : 350 hommes ;
-Grande loge indépendante de France (GLIF) : 300 hommes ;
-Grande loge initiatique souveraine des rites unis (GLISRU) : 280 (150 hommes et 130 femmes) ;
-Grand orient traditionnel de Méditerranée (GOTM) : 140 (95 hommes, 45 femmes) ;
-Grande loge nationale indépendante et régulière pour la France, les départements et collectivités d’Outre-mer (GLNR) : 100 hommes.
La preuve n’est donc plus à faire que le milieu maçonnique, pour des raisons qui mériteraient d’être creusées bien au delà de ces quelques lignes, résiste encore et toujours à la féminisation et donc à la mixité. Il s’agit ici de la mixité de sexe, tant il est vrai que, comme l’ont expliqué les féministes américaines, mais aussi comme une pratique de visite peut en attester, la mixité de genre est partout présente. Il y a en effet du féminin dans les loges masculines et du masculin dans les féminines.
L’une des hypothèses à cette résistance tient sans doute au fait que bien des hommes, aussi étrange que cela puisse paraître, illustrent cette théorie du genre, tout en la réfutant pour beaucoup, en témoignant d’une peur inavouée d’exprimer leur sensibilité devant des femmes. L’inverse étant fréquent, mais beaucoup moins puisqu’aussi bien le rapport reste écrasant entre les nombres de femmes en mixité (aujourd’hui plus d’une sur deux) et le nombre d’hommes ayant fait ce choix (à peine plus de 10%).
La tâche est donc loin d’être accomplie, qui verra la franc-maçonnerie cesser de creuser son retard avec la société. Le travail, devant ces chiffres éloquents, est principalement à faire en direction des hommes pour qu’ils cessent d’avoir peur des femmes.