Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Georges Bormand
Sous le titre, Les pays d'Islam et la Franc-maçonnerie , Hervé Hasquin a publié en 2013 aux éditions de l'Académie royale de Belgique, collection « L'Académie en poche », une étude dont il résumait partiellement récemment le contenu à la RL Thélème du Grand orient de France (GODF). De cette conférence, je tire quelques idées.
L'appellation « Pays d'Islam » est pour le moins imprécise, car faut-il inclure l'Inde qui comporte plusieurs millions de musulmans ? Des régimes politiques ou sociaux, des populations très différentes, rendent toute généralisation hasardeuse. On peut toutefois remarquer que ces pays partagent tous certaines expériences historiques, et que la franc-maçonnerie, limitée jusqu'au milieu du dix-neuvième siècle à des loges établies dans les comptoirs commerciaux européens, y a connu un développement limité, mais réel, pendant la période coloniale qui irait de 1830 à 1950, allant jusqu'à inclure certains autochtones liés aux colons, aux administrations ou aux exploitations. Ceci explique pourquoi la décolonisation d'une part, les répercussions du conflit israélo-arabe de l'autre, et surtout l'apparition de régimes dictatoriaux, ont fait disparaître la franc-maçonnerie de la plupart des pays concernés. Il reste aujourd'hui des Orients locaux au Maroc, où la franc-maçonnerie est autorisée par la monarchie, et en Turquie où, interdite sous la dictature d'Atatürk, la maçonnerie a pu réapparaître à partir de 1948, et reste autorisée malgré l'évolution dictatoriale en cours.
Rappelant que la franc-maçonnerie est d'abord vue comme un reste du colonialisme occidental, en plus des nombreuses accusations complotistes imitées de celles connues ailleurs, et est ensuite incompatible avec le caractère dictatorial de la quasi-totalité des régimes en place, il s'interrogeait sur les possibilités d'un développement qui imposerait, d'abord, une véritable universalité d'un dogme aujourd'hui purement occidental.
Le livre, avec plus de détails sur l'évolution historique, mais publié avant les derniers développements du djihadisme, détaille de manière moins pessimiste que la conférence les mêmes idées.