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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Petit catalogue des maux politiques français/ Épisode 13 (et fin) : la culture du conflit

Petit catalogue des maux politiques français/ Épisode 13 (et fin) : la culture du conflit

Julien Vercel

Il n’y a que les utopistes totalitaires pour imaginer une société exemptes de conflits. En démocratie, ne serait-ce que par le jeu de l’alternance, du pluralisme et de la compétition des suffrages, les conflits sont inévitables. C’est aussi le propre de la démocratie de mettre en scène ces conflits sur un mode réglementé, voire pacifique. Aujourd’hui, on compte davantage sur l’élection que sur la guillotine pour se débarrasser des dirigeants...

La route fut longue et elle n’est pas complètement achevée. Elle est passée par la création de droits –à défaut de statut- pour l’opposition. En ce domaine, les réformes furent récentes et portées par la droite politique. C’est ainsi qu’en 1974, pendant le septennat de Valéry Giscard d’Estaing, la saisine du Conseil constitutionnel est ouverte à 60 députés ou 60 sénateurs et les séances de questions au Gouvernement (QAG) sont créées à l’Assemblée nationale. C’est ainsi qu’en 2008, pendant le quinquennat de Nicolas Sarkozy, le mot « opposition » fait son entrée dans la Constitution (articles 48-5 et 51-1).

Mais force est de constater que la « passion » des conflits continue à empêcher un travail commun entre la majorité et l’opposition. La logique de confrontation demeure la plus forte, au moins pour deux raisons. D’abord le quinquennat fait se succéder des temps électoraux très rapidement, or la logique de la confrontation l’emporte toujours en période électorale marquée par l’abondance de promesses de « ruptures » de « changements » et d’« alternances ». Ensuite les partis de gouvernement, Les Républicains (de droite) et le Parti socialiste (PS) ne veulent pas être accusés par le Front national de former une alliance de « connivence », dénoncée en son temps sous le sigle « UMPS ».

Dans la construction de nos régulations économiques, cette « passion » française des conflits se traduit par la transformation de l'"adversaire du débat politique" en "ennemi irréductible". Elle limite aussi la confiance dans le dialogue social. Cependant, là encore, des progrès ont été accomplis. Nicolas Sarkozy a modifié les règles de la représentation syndicale par les lois du 20 août 2008 et du 15 octobre 2010, à partir de la position commune dégagée en avril 2008 entre le Mouvement des entreprises de France (MEDEF) et la Confédération générale du patronat des petites et moyennes entreprises (CGPME) d’une part, et la Confédération générale du travail (CGT) et la Confédération française démocratique du travail (CFDT), d'autre part. Cette réforme instaure un système fondé sur une légitimité acquise lors des élections professionnelles. La gauche n’a pas été en reste, c’est elle, en 1936 comme en 1981, qui a légiféré pour permettre aux syndicats d’entrer dans les entreprises, alors qu'une grande constante des organisations patronales est leur opposition à toute incursion syndicale sur les lieux de travail.

Malheureusement, le dialogue social a été seulement mis en scène sous le mandat de Nicolas Sarkozy qui préférait se moquer des corps intermédiaires et des syndicats, jugés incapables de représenter les Français, de dépasser leurs intérêts corporatistes et coupables de confisquer le lien direct avec le peuple. François Hollande et plus encore son premier Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, affichaient le dialogue social comme méthode de gouvernement selon la doctrine : si les partenaires sociaux trouvent des compromis, une réforme équilibrée, il revient au gouvernement et au Parlement de traduire et d’améliorer cet équilibre sans le trahir. C’est ainsi que l’Accord national interprofessionnel (ANI) du 11 janvier 2013 est devenu la loi relative à la sécurisation de l’emploi du 14 juin 2013. Mais, là aussi, des limites existent : le projet de loi travail qui fait une place particulière à la négociation au niveau des entreprises est ainsi l’occasion de voir s’opposer, du côté des syndicats de salariés, deux conceptions du conflit. Laurent Berger de la Confédération française démocratique du travail (CFDT) en vante les vertus : « Le dialogue social, lorsqu’il est loyal, est bénéfique à tout le monde dans l’entreprise. Le rapport de force créé permet d’obtenir des protections et contreparties adaptées aux attentes des salariés de l’entreprise » (à propos de l’usine Toyota de Valenciennes, 22 mars 2016). Mais Thierry Lepaon de la Confédération générale du travail (CGT) mettait en garde contre les risques : « Dire que la négociation d’entreprise primerait sur la loi, c’est remettre en cause le principe des garanties sociales pour tous les salariés. Privilégier les accords d’entreprise par rapport à la loi, c’est le pot de fer contre le pot de terre. C’est la porte ouverte à la déréglementation sociale et au dumping social » (Déclaration du mercredi 24 septembre 2014). La culture du conflit vient alors balayer le dialogue, la recherche de compromis entre clivages et empêche l’éclosion d’une culture de la responsabilité partagée entre le gouvernement, le Parlement et les partenaires sociaux.

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A
Heureusement qu'en maçonnerie ( pas partout, hélas) on échappe à ce rapport de forces.
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