Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Gérard Bacot
Erik Orsenna et Isabelle Autissier forment un duo littéraire à qui l'on doit Salut au Grand Sud (Stock, 2006) qui fut un succès de librairie il y a quelques années. Dans la même veine, ils nous proposent un autre ouvrage au titre évocateur : Passer par le Nord. La nouvelle route maritime (éditions Paulsen, 2014) consacré aux nouvelles voies de circulation maritime dans l'océan Arctique que le réchauffement climatique rendra bientôt exploitables. En effet, l’Arctique est l’océan qui s’est le plus réchauffé : 2 à 3 degrés supplémentaires en surface depuis 50 ans.
Ce livre est d’abord un récit de voyage : les auteurs rendent compte de toutes les transformations qu’ils ont observées lors de leurs périples le long des côtes sibériennes. Sait-on que de gigantesques installations portuaires sont déjà en cours de construction pour assurer la maîtrise future de la navigation et l’exploitation à venir des sites gaziers et pétroliers ? Sait-on que la prochaine disparition de la banquise pérenne va être profitable non seulement à la navigation mais aussi à la pêche et à l’exploitation offshore ?
Mais, parallèlement au récit, l’ouvrage comporte plusieurs chapitres à caractère plus scientifique. Par exemple, on y apprend que l’océan Arctique, comme toutes les mers froides, crache du méthane et que la hausse de la température accélère la décomposition de ce méthane sous forme gazeuse dans l’eau puis dans l’air. Or, le méthane a un pouvoir, en termes d’effet de serre, vingt-trois fois supérieur à celui du dioxyde de carbone (le CO2) ! ! « Est-ce, s’inquiètent les auteurs, une bombe climatique qui s’amorce dans le Grand Nord ?». Circonstance aggravante : on peut prévoir que l’exploitation de nouvelles ressources minières, l’industrialisation et l’urbanisation accélèreront encore le processus.
C’est dire que le réchauffement climatique provoquera peut-être, dans le Grand Nord, des effets encore plus graves que ceux attendus dans l’hémisphère Sud. Il pourrait même, à nos latitudes moyennes, avoir des conséquences néfastes : vagues de froid et de chaleur, sécheresses, inondations… Tout aussi passionnants sont les chapitres consacrés aux animaux de l’Arctique et à leur capacité d’adaptation : le renne, la baleine, le morse et surtout l’ours blanc, « le seigneur des glaces », qui est le plus menacé « car, à long terme, c’est bien la disparition de son habitat (la banquise) qui signera sa perte ».
Avec les qualités littéraires qui leur sont propres, les deux auteurs nous font prendre conscience de l'importance historique de ce « passage du Nord-Est » qui va modifier fondamentalement les circuits commerciaux et par conséquent l'économie mondiale. Cette route maritime du Nord permet d’ores et déjà « de relier l’Atlantique au Pacifique et devient le plus court chemin navigable entre l’Europe et l’Asie » : une véritable révolution géopolitique ! Mais aussi la quasi-certitude de lourdes conséquences environnementales.