Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Le dossier du numéro 50 de Franc-maçonnerie magazine (septembre-octobre 2016) ne prend pas de risque puisqu’il est consacré à « L’Égypte. Berceau de l’initiation ». Avant la déclinaison de ce thème, on notera une intéressante contribution d’Emmanuel Pierrat, spécialiste, entre autres sujets, de la franc-maçonnerie sous l’occupation, sur « Justice et éthique. L’anti-modèle de la prison française, un chantier pour la franc-maçonnerie ». On ne pourra que le suivre dans la double conclusion d’un état des lieux accablant : promouvoir une réforme radicale et mobiliser les loges sur cette question au moment où les questions de sécurité saturent l’espace politique.
Le marronnier égyptien se découpe ensuite en trois grandes branches : la délicate présence d’une franc-maçonnerie dans le pays des pharaons ; les rites de l’Égypte antique et la fascination qu’ils continuent d’exercer sur les occidentaux ; les rites maçonniques de Memphis-Misraïm, s’inspirant de cette sagesse antique et la mêlant d’occultisme.
Sur le premier point Thierry Zarcone nous raconte les difficultés de ce vivre ensemble que proposèrent au Caire ou à Alexandrie les loges maçonniques égyptiennes, d’abord coloniales, avec des Français, des Anglais et des Italiens. Suivit au XIXème siècle la prise en compte du cadre maçonnique par des musulmans éclairés. Mais l’antimaçonnisme, associant pour partie l’existence de loges à une influence sioniste finit par l’emporter et la maçonnerie fut interdite en 1964. Spécialiste incontesté de ces questions, Thierry Zarcone nous offre un nouvel épisode de la chronique d’un échec.
Serge Caillet détaille pour sa part le parcours marginal des courants dits égyptiens au sein de la franc-maçonnerie française. Il nous rappelle qu’à l’origine, leurs rituels ne différaient guère de ceux du rite écossais. Mais des « restaurations » eurent lieu par les responsables successifs qui installèrent une échelle allant de 90 à 95 grades, nonobstant les degrés administratifs, même si John Yarker ramena le total à 33. Pratiqué dans des obédiences masculines, mixtes et féminines les rites de Memphis-Misraïm et de Misraïm n’auront jamais compté autant d’adeptes.
Cet engouement s’inscrit pour partie dans la fascination pour l’Orient qu’a alimentée la mythologie de l’Égypte pharaonique et qui continue à fonctionner. Pierre Mollier nous révèle l’existence d’organisations oubliées comme « l’Ordre sacré des Sophiciens » qui aurait été créé par des officiers de l’armée d’Égypte de Bonaparte ou, à Toulouse, la « Souveraine pyramide des amis du désert », tout cela au début du XIXe siècle. Ces groupes, comme les variantes de franc-maçonnerie qui suivirent s’inscrivent pour l’auteur dans un goût marqué pour l’Égypte d’une partie de la franc-maçonnerie qui y voit la source même de la notion d’initiation.
Hors dossier et avant les rubriques informatives du magazine, on trouvera un article d’Henri Pena-Ruiz sur la philosophie stoïcienne, école du doute et de la sérénité, creuset de la notion d’agnosticisme. Contemporain à la fois de l’épicurisme et du stoïcisme à l’époque hellénistique (323-281 av. J.-C.), le stoïcisme peut être constitutif d’une éthique et l’étude qui en est faite ici nous montre à quel point il est parfaitement déclinable, comme ses partenaires, dans le moment présent, dès lors que la gestion du doute reste une question centrale pour beaucoup.
Nous n'oublierons pas un dernier article consacré à l'Ardèche, ses catholiques, ses protestants, ses francs maçons et ses vins, ni de vous préciser le prix de ce magazine sur beau papier glacé:
5, 95 euros.