Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Toute découverte archéologique nous fait immanquablement renouer avec ce que Marc Bloch appelait « l’idole des origines » (dans Apologie pour l’histoire ou métier d’historien, 1941-1942). À Limoges, la tentation est grande : un propriétaire découvre dans sa cave une issue puis des voûtes et, quatre ans et demi plus tard, c’est tout un temple maçonnique qui est dévoilé !
Le Populaire du Centre rapporte que ce temple serait, « selon Michel Laguionie, historien de la franc-maçonnerie, l’endroit où est né, ou du moins s’est développé, ce mouvement philosophique à Limoges ». L’historien, à la différence du journaliste, est beaucoup plus prudent lorsqu’il faut affirmer que ce temple abrita la « première loge maçonnique », surtout parce que les premières traces de tenues à Limoges datent de 1760 et que le temple ne servit qu’au début du XIXe siècle.
Plutôt que de céder à « l’idole des origines », Marc Bloch nous invite à nous concentrer sur notre présent : « Jamais, en un mot, un phénomène historique ne s’explique pleinement en dehors de l’étude de son moment. Cela est vrai de toutes les étapes de l’évolution. De celle où nous vivons comme des autres. Le proverbe arabe l’a dit avant nous : Les hommes ressemblent davantage à leur temps qu’à leurs pères. Pour avoir oublié cette sagesse orientale, l’étude du passé s’est parfois discréditée ». Et le présent pour ce temple, consiste à ne pas échapper à un usage séculier et, donc, pousse à accueillir des « événements ponctuels ».
Les églises ont suivi depuis bien longtemps le chemin du glissement du « cultuel » vers le « culturel » avec versement d’une « redevance » en conséquence. Comme répondait le ministre de l’Intérieur à la question écrite du sénateur Gaëtan Gorce (Journal officiel-Sénat du 12 juillet 2012) : « Si une commune souhaite organiser une manifestation non cultuelle dans une église, elle doit, en application de l'article L. 2124-31 du code général de la propriété des personnes publiques, recueillir au préalable l'accord de l'affectataire de l'établissement cultuel (le curé de l'église), précisant les conditions d'utilisation de l'édifice. Par ailleurs, une redevance domaniale peut être perçue et partagée entre le propriétaire et l'affectataire ». Jean-Marc Reiser rêvait déjà, en son temps, de transformer les églises désertées en piscine (dans On vit une époque formidable, Glénat, 1976)...
Et le fait de savoir que le temple souterrain de Limoges est rempli d’histoire, voire de croire qu’il recèle le secret d’une « origine », ne fera qu’augmenter sa valeur locative.