Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Rédac'
Franc-Maçonnerie magazine bénéficie régulièrement d’une publicité pleine page pour une compagnie maritime. On vous propose une promenade bien cadrée d’une décade en Méditerranée, avec un petit cycle de conférences à consommer entre restaurant, salle de relaxation, piscine, piste de danse et simulateur de circuit automobile. Vous l’aurez deviné, une certaine maçonnerie s’est emparée de cette offre de voyage dans un hyper-marché flottant. Des cannois du Cercle Azurea sont au gouvernail des opérations avec la compagnie Costa-Croisières.
Sauf erreur de nos services, la première occurrence de croisière maçonnique dans cette configuration massive s’est déroulée du 29 mars au 5 avril 2015. Étaient à l’affiche comme conférenciers : Pierre Andureau, Claude Darche, Alain Pozarnik et Alain Subrebost. Orientation spiritualiste assurée.
Du premier au 18 août 2016, Marie-Dominique Massoni, Catherine Jannin-Naltet, Bruno Pinchard et Frédéric Vincent furent à leur tour au centre de la fiesta maritime autour du thème très original « Engagement, fraternité, solidarité » au départ de Venise. Elle a dû faire quelques dégâts au démarrage, cette croisière. En effet, nombreux sont les Vénitiens qui se mobilisent pour empêcher de tels mastodontes de venir ébranler les fondements du vieux port de la Sérénissime, même si la justice italienne a malheureusement cassé une législation limitant le tonnage autorisé sur les grands canaux.
Troisième croisière, du 23 septembre au 20 octobre 2016, de Savone à Savone à bord du Costa Favolosa, avec, cette fois-ci, Hugues Berton, Marie-Françoise Blanchet, Alain de Keguel et Christelle Imbert. Il y eut des escales express à Malaga, Casablanca, Cadix, Lisbonne, Valence, Barcelone, à cent à l’heure, ce qu'il n'est pas exagéré de considérer comme une parodie de tourisme à l'américaine.
La quatrième promenade en mer se déroulera en avril prochain huit jours et sept nuits, sur le Costa Celiziosa, avec au programme: « Grèce entre mer et histoire », Italie, Grèce et Croatie, au départ de Venise, trois pays, cinq villes, 1130 cabines, sept ou huit étages, un de ces géants des mers si décriés par les défenseurs de l’environnement. Le thème du cycle de conférences sera: « Améliorer l’homme et la société », avec Céline Bryon-Portet, Daniel Keller, Laurent Kupferman et Michel Maffesoli. Des milliers de passagers confinés, quelle recherche d’altérité ! Mais passons, chacun son truc, car il y a, nous semble-t-il, bien plus grave.
En effet, par son gigantisme et sa distance de freinage, le monstre marin aura bien du mal à secourir un radeau de migrants faisant en pleine nuit et pleine mer le signal de détresse, à supposer que la baleine puisse apercevoir la méduse. Les malheureux, les yeux pleins d’eau et de sel, regarderont passer, éberlués, osons-le, médusés, tous ces étages illuminés. Ce sera leur ultime vision, avant la côté, ou la noyade.
Sur ce qui est devenue la mare nostrum dolorosum, de telles croisières sont-elles en ces temps difficiles un tant soit peu justifiables ? De longs et pénibles efforts seront nécessaires pour nous en persuader. Espérons cependant qu’une partie des royalties de la joyeuse compagnie seront reversés. À quel tronc ? Celui des associations qui œuvrent au sauvetage et à l’accueil des migrants, parmi lesquelles se trouvent bon nombre de maçonnes et de maçons, à terre. Pour ne pas dire atterrés.