Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
François Hollande était catégorique en 2011, alors qu’il se préparait pour l’élection primaire des socialistes : « J’ai eu conscience très tôt que l’élection ne devait pas se réduire à un antisarkozysme mais que, en revanche, le prochain chef de l’État devait être l’inverse de Nicolas Sarkozy » (Libération, 15 juin 2011). Et, donc, Jean-Luc Mélenchon se trompe lorsqu’il juge François Hollande : « Tout ce qu'on reprochait à Sarkozy, il a tout fait en pire » (Le Choix de l'insoumission avec Marc Endeweld, Seuil, 2016). Car François Hollande n’a pas « tout fait en pire », il n'a pas été François Mitterrand, mais il a juste été le miroir inversé du président de 2007. Par leur incapacité à « faire président » voire à « être président », les deux pensionnaires de l’Élysée apparaissent comme la même image réfléchie dans le miroir, l’un de l’autre. C’est ce qu’expriment les 62% de Français qui pensent que tous les deux ont été « aussi mauvais » à l’Elysée (sondage Odoxa, 29-30 septembre 2016).
Tous les deux se sont en effet montrés incapables d’adopter une posture présidentielle et de remplir le rôle pour lequel ils avaient été élus. Trop attirés par l’ivresse des médias, par choix, par orgueil et par ignorance, ils ne se sont jamais préoccupés d’assumer la part symbolique de leur fonction, sauf en de rares occasions et jamais sur le long terme.
D’abord, leurs deux parcours comportent des similitudes : ils ont su s’imposer habilement à leur camp, ils ont entrepris des réformes dont certaines resteront à leur crédit (réforme institutionnelle pour Nicolas Sarkozy, réforme du mariage pour François Hollande) et ils ont dû gérer des crises à dimension internationale avec des répercussions importantes et meurtrières pour le pays. Mais c’est leur personnalité qui les mènent à la disgrâce et qui est rejetée par les Français. Ils font l’erreur de laisser s’étaler en public la jouissance du pouvoir à des fins personnelles. Tous les deux perdent ainsi le prestige et l’autorité de la fonction dès les premières semaines de leur mandat : le premier s’affiche en « président bling bling », délaissant ses militants pour aller faire la fête au Fouquet’s, préférant le yacht de son richissime ami Vincent Bolloré à une retraite qu’il avait pourtant évoquée ; le second subit le Tweet vengeur de sa compagne contre son ex dès les élections législatives qui suivent immédiatement les élections présidentielles.
Mises en scène volontaires chez Sarkozy, plus ou moins incontrôlées chez Hollande, leurs histoires de cœur ont parasité leur mandat à coups de photographies officielles et dérobées... La disjonction entre les sphères privée et publique est particulièrement visible quand ils ont abordé la culture qui est pourtant le secteur d’une identité partagée entre tous les Français, un secteur présidentiel parce qu’il marque l’unité d’un pays et la hauteur de vue. Patatras ! Côté privé, ils convolent certes tous les deux avec une mannequin-chanteuse pour l’un et une comédienne pour l’autre, mais côté public, ils ont renoncé à la moindre ambition de politique culturelle, le premier allant jusqu’à railler La Princesse de Clèves, car « j’avais beaucoup souffert sur elle » (24 juillet 2008), le second expliquant à la nouvelle ministre de la culture qu’elle doit aller au spectacle, « Tous les soirs, il faut que tu te tapes ça ! » avant d’ajouter « Et tu dis que c'est bien, que c'est beau... Ils veulent être aimés ! » (Un temps de président d'Yves Jeuland, France 3, 28 septembre 2015)
Alors qu’ils étaient présidents, au lieu de faire partager leur idée de l’intérêt général, ils se sont abaissés à régler publiquement des cas particuliers. Quand le premier répond à un Français qui ne voulait pas lui serrer la main : « Casse-toi pauv’con ! » (Salon international de l’agriculture, 23 février 2008), le second l’imite avec une adolescente kosovar « Si elle le demande, un accueil lui sera réservé, et à elle seule » (19 octobre 2013).
Tous les deux excellents tacticiens, ils se sont révélés incapables d’afficher une cohérence, de justifier leurs changements de politique, d’énoncer un cap clair, de partager avec les Français une stratégie pour le pays. Pour reprendre la critique de Claude Bartolone (adressée, le 25 octobre 2016, à François Hollande après la parution du livre : Un président ne devrait pas dire ça… de Gérard Davet et Fabrice Lhomme, Stock), ils ont un problème d’« incarnation ». Les Français ont donc la tentation de zapper cette bien piètre génération politique en retrouvant leur tropisme culturel. La droite se réfugie déjà dans la « valeur vieillesse » avec Alain Juppé. Reste à la gauche à se réfugier dans la « valeur jeunesse » avec Emmanuel Macron.