Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

À propos de « Renaissance traditionnelle », n° 183, juin 2016, « Les manuscrits copiales : une nouvelle source sur les débuts de l’Écossisme ».

Rédac'

Le dernier numéro de la célèbre revue noire, fondée par René Guilly (René Désaguliers) en 1970 revient sur une affaire qui a passionné quelques distingués bibliophiles, des informaticiens spécialistes en décryptage, des linguistes et des maçons avides de nouvelles sources. Il s’agit d’un manuscrit codé retrouvé dans l’ancien Berlin-est à la fin de la guerre froide et décodé en 2011. Il comprend 1045 pages, datant probablement de 1745, et détaille les caractéristiques et le rituel d’un ordre para-maçonnique d’ophtalmologistes, des oculistes ( non pas des occultistes, vous avez bien lu) qui opéraient déjà de la cataracte, Die Hocherleuchtete Oculisten Gesellschaft (la très illustre société des oculistes). Les auteurs de ce texte qui tire son nom du seul terme qui n’était pas codé : « copiales », probablement francs-maçons eux-mêmes, étaient passablement critiques sur ce  qu’ils connaissaient d'une fraternité alors commençante.

D’autres documents ont été dénichés en 2012 dans une petite ville de Basse-Saxe, Wollfenbüttel, située près de Brunswick, portant également sur cet ordre. Mais certains seulement de ces textes utilisent le même code, d’autres n’ayant pas pu encore être déchiffrés. Claude Weiler présente le contexte de l’affaire et propose une traduction française du premier manuscrit. Il écarte au passage toute filiation de ces oculistes avec les Illuminés de Bavière.

Cette étude intéressera les sourciers, mais elle nous laisse cependant sur notre faim dans la mesure où un livre a déjà été écrit, en 1999 par Aloys Henning sur une loge de Wollfenbüttel, que Claude Weiler mentionne (Eine frühe Loge des 18. Jahrhunderts : Die Hocherleuchtete Oculisten-Gesellschaft in Wolfenbüttel), mais n’a visiblement pas lu, alors qu’il contient sans doute pour partie la clef du mystère, à savoir l’articulation entre une loge et des spécialistes de l’oeil passablement farceurs. Henning a également travaillé sur un certain Josef Hillmer (Die Affäre Hillmer. Ein Okulist aus Berlin in Petersburg 1751, publications universitaires européennes, 1987), lequel était lui aussi oculiste, mais également réputé charlatan, chassé de la cour de Russie à Saint-Petersbourg en 1751, après avoir été nommé trois années plus tôt par Friedrich II de Prusse au collège medico-chirurgical de Berlin. Donc, affaire à suivre d'un oeil prudent…

Par ailleurs, Pierre Mollier plonge  dans cette dernière livraison de Renaissance traditionnelle aux racines de l’écossisme pour disserter sur le grade de “Maître écossais” qui, dès sa création, a très vite circulé en Europe, puisque il fut repéré à Londres en 1733, puis passa à Berlin en 1842, par l’entremise d’un Italien, ce que l’on sait à partir des archives maçonniques françaises revenues de Russie après la chute du Mur. Pour l’auteur, ce grade relève d’une préfiguration de l’Arc Royal et fait du récipiendaire une sorte de prêtre, un lévite. Qu'on en juge par cet extrait du rituel :

- Où avez-vous été reçu?

- Dans le saint de saints, sous l’acacia.

- Qu’avez-vous vu dans le Temple de Salomon ?

- L’arche d’alliance et la mer sur les douze boeufs.

- À quoi sert la mer ?

- À purifier les Lévites.

Le Maître écossais préfigure également les référents chevaleresques.

Jacques Tuchendler enquête pour sa part sur le Prado, ce bâtiment qui abrita au milieu du XIXe siècle un suprême conseil dissident. L’auteur rappelle qu’au début de ce siècle-là, les obédiences ne possédaient pas de siège central et réunissaient leur direction et leurs loges où elles pouvaient, ce dont profitaient des loueurs spécialisés. Démolie en 1858, l’ancienne chapelle du Prado, édifiée par Hugues Capet en 965, fut semble-t-il le premier lieu dédié à la maçonnerie. Le suprême conseil en question avait été créé en février 1818 pour protester contre l’effort de centralisation du Grand orient considéré comme trop jacobin. Il fusionna en 1821 avec le suprême conseil créé  auparavant par Grasse Tilly.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
O
Il ne faut pas avoir froid aux yeux pour s'attaquer à ces grimoires...
Répondre