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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

La chambre du milieu chez Botho Strauss

Une pièce écrite en 1990 par l’un des deux plus grands dramaturges allemands de l’époque avec Heiner Müller, Botho Strauss, vient d’être reprise par Alain Françon, d’abord au Théâtre national de Strasbourg, puis à Paris au Théâtre national de la Colline, elle est désormais en tournée jusqu’en mai. Elle mérite pour le moins d’être vue. Son titre, Le temps et la chambre (die Zeit und das Zimmer).

Plusieurs thèmes passionnants traversent en effet cette œuvre à neuf acteurs (Antoine Mathieu, Charlie Nelson, Gilles Privat, Aurélie Reinhorn, Georgia Scalliet, Renaud Triffault, Dominique Valadié, Jacques Weber, Wladimir Yordanoff). On notera d’abord la difficulté des relations de couple, alors même que les binômes, hétéro ou homosexuels, sont considérés par l’auteur comme essentiels. Mais il y va aussi de la force du « presque rien et du je ne sais quoi », comme disait Jankélévitch, qui fait qu’une relation s’établit ou ne s’établit pas et que l’existence est aiguillée dans un sens ou dans un autre, comme si une suite d’aléa pouvait aller jusqu’à contredire la volonté. Une autre thématique traverse également  la pièce, une méditation sur le temps, aussi éclaté soit-il dans le dispositif choisi.

Se croisent dans cette chambre où tout se joue diverses incarnations de personnages qui se connaissent, se sont connus, auraient pu se connaître, en une totale instabilité soutenue par une langue d’une qualité exceptionnelle et une mise en scène remarquable. On saura gré à Michel Vinaver d’avoir réussi une traduction particulièrement efficace du texte de Botho Strauss.

Le décor unique fait référence à Edward Hopper et offre un  étonnant travail sur les lumières, avec ces fenêtres sur rue qui sont prétexte à la description virtuose de la banalité par ceux qui regardent au dehors. Au milieu de la chambre figure une colonne rouge dont la fonction, certes de toute évidence de verticalité dans un monde d’horizontalité et de totale immanence, demeure mystérieuse, d’autant qu’elle se met  à parler.

L’ambiance très agitée et la somme des déceptions ne font pas de cette chambre celle des dépités, car il règne dans cette confusion organisée une manière d’optimisme de l’intranquillité pas loin d’être fascinante. Dans cette chambre, tout est maîtrisé.

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