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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Étienne de Silhouette (1709-1767). Le ministre banni de l’histoire de France » de Thierry Maugenest

 

Rédac'

 

Le 24 juillet 1709, naissait à Limoges Étienne de Silhouette. Thierry Maugenest tire de l’oubli, pour les éditions de la Découverte, celui qui fut dans les années 1750 l’un des plus hauts personnages de l’État, mais dont la mémoire fut effacée par ceux qui furent effarés qu’il ait pu s’attaquer aux riches pour financer les dépenses.

 

L’auteur qui a brassé toutes les archives disponibles pour cette biographie a retrouvé la trace du nom « Zuloeta » dans le Nord de l’Espagne où les ancêtres de notre personnage vivaient avant de passer les Pyrénées pour s’installer au pays basque, autour de 1609. Ce patronyme fut alors francisé en « Silhouette ». Ayant fait fortune à Biarritz, le grand père d’Étienne vint ensuite à Limoges.

 

Thierry Maugenest décrit par le menu ce que fut l’action de Silhouette sous Louis XV, en l’inscrivant dans ce que nombre d’historiens considèrent aujourd’hui comme la première guerre mondiale (la Guerre de trente ans, 1618-1648), mais aussi dans les conditions climatiques de l’époque (le petit âge glaciaire), deux caractéristiques majeures qui ne furent pas pour rien dans son échec.

 

La formation du jeune Silhouette, et en particulier son tour d’Europe, lui permirent d’apprendre les langues anglaise et espagnole, mais aussi d’élargir son esprit, bien au delà de la moyenne de ses contemporains. Il fut, entre autres, lecteur de Confucius et pétri de lumières.

 

En 1759, alors qu’il avait accédé au poste de ministre des finances, il lança une politique qui allait ébranler Versailles. Pour tenter d’éradiquer la famine qui touchait alors des millions de Français, il décida en effet de taxer les privilégiés. Protégé de la Pompadour et donc du Roi, il finira cependant par être chassé du pouvoir par les courtisans qui cherchèrent à le ridiculiser.

 

Le personnage de Silhouette n’apparaît pas comme particulièrement sympathique, ni chaleureux, mais son action et son comportement furent jusqu’à la fin de sa vie d'une rigueur exemplaire, priorité étant donnée au service des pauvres, mais dans une logique de justice sociale et non de charité, ce qui, surtout à cette époque, n’était pas si fréquent.

 

L’auteur montre ensuite la manière dont la mémoire de Silhouette fut systématiquement effacée, ce qui se traduisit notamment par une quasi absence de mention  dans les dictionnaires, comme dans les livres d’histoire, l’aristocratie trop heureuse de voir partir en disgrâce celui qui avait été le premier à avoir l’idée de lever un impôt sur la fortune, ayant ainsi réussi son opération. Seule la caricature qui fut faite et se répandit d’un costume serrant tellement le corps qu’on ne pouvait y mettre une poche s’installa et, cas rarissime, passa comme nom commun. Cette figure s'appelle d'un nom savant: une antonomase.

 

Des écrits de Silhouette, mort en 1767, rien n’a été publié depuis 1788. Thierry Maugenest  souligne cependant une thèse soutenue par Maurice Guillaume le 26 mai 1915, consacrée aux réformes de Silhouette dont il tire cette remarque qu’il fait sienne : « Il apparaît parfois sur la scène politique des hommes auxquels il ne manque pour léguer un nom célèbre aux siècles futurs que de vivre en un temps et dans un milieu où ils  auraient pu mettre librement en lumière leurs talents et les ressources de leur esprit. Étienne de Silhouette est  assurément l’un de ces hommes ».

 

On compte sur Thierry Maugenest, même s’il semble privilégier son statut d’écrivain à celui d’historien, pour produire un jour prochain une édition critique des œuvres et de la correspondance de Silhouette. Cela nous offrirait de nouvelles lumières sur celui qui fut l’un des inspirateurs des révolutionnaires du point de vue alors naissant de la science économique.

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C
Il en faudrait un comme ça aujourd'hui !
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