Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Gérard Bacot
C’est en 1881 que furent créées, en France, les écoles maternelles qui remplacèrent les « salles d’asile » où les parents déposaient leurs enfants de deux à six ans pendant les heures de travail. L’inspiratrice et la « grande ouvrière » de cette réforme historique fut une institutrice républicaine, Pauline Kergomard (1836-1925), malheureusement un peu oubliée de nos jours, qui appartenait à la grande famille protestante des Reclus et était la cousine germaine d’Élisée Reclus.
Après avoir été déléguée générale à l’inspection des Asiles en 1879, avec l’appui de Ferdinand Buisson, elle fut nommée en 1881 par Jules Ferry inspectrice générale des écoles maternelles, fonction qu’elle exerça jusqu’en 1917.
Son « ouvrage majeur », L’Éducation maternelle dans l’école, paru en 1886, a été réédité en 2016 (éditions Fabert) sous la direction de Micheline Vincent-Nkoulou, docteur en sciences de l’éducation. À cette occasion, la revue Books a publié une intéressante chronique (30 mars 2018) dont nous reproduisons des extraits.
« Pauline Kergomard tient particulièrement au nom ‘école maternelle’. L’asile connote une mission de charité et elle est bien déterminée à ce que l’école soit le lieu de la mixité sociale. Son nom ne doit ni rebuter les classes aisées ni stigmatiser les classes populaires (…). Elle rejette les méthodes des salles d’asile fondées sur la discipline, la répétition et la religion. La maternelle ne doit pas s’adresser au futur ouvrier qu’il faut dresser, mais à l’enfant universel.
Intéressée par la psychologie, discipline toute nouvelle, elle développe une pédagogie spécifique centrée sur le développement physique et affectif des jeunes enfants. Elle divise les classes en deux groupes d’âge et s’appuie sur les leçons de chose, dont elle fait le ciment de sa méthode. Le thème choisi pour la leçon du jour devient ainsi celui de tous les autres enseignements : les exercices de langage, le dessin, la leçon de morale, les chants… Elle met surtout le jeu au cœur du programme. Le jeu étant pour Pauline Kergomard, « le travail de l’enfant, son métier, sa vie ».
Ces principes pédagogiques étaient à l’époque tout-à-fait novateurs. En effet, si Maria Montessori s’en est probablement inspirée, c’est seulement en 1907 que celle-ci créa à Rome sa première Casa dei bambini. Il est bien regrettable que la réforme de 1881 ne soit plus associée au nom de Pauline Kergomard qui fut la troisième femme à être décorée de la Légion d’honneur. Pourtant, seulement cinq thèses et deux ouvrages lui sont consacrés... et un timbre à 1,70 francs en 1985.