Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Les Constitutions d'Anderson (1723) & La Maçonnerie disséquée (1730) par Guy Chassagnard
Les constitutions d’Anderson publiées à Londres en 1723 sont connues de tous les tenants de l’art royal. Une petite révision régulière est cependant... régulièrement nécessaire. Guy Chassagnard en propose une chez Dervy dans un ouvrage qui vient de paraître (195 pages, 18 euros). Mais c’est surtout à un autre livre, un peu moins connu que s’attacheront les lecteurs de cette édition : La Maçonnerie disséquée, écrite en 1730 par Samuel Prichard. Guy Chassagnard propose dans les deux cas une nouvelle traduction à partir des textes anglais originaux qui nous replonge dans l’esprit d’une époque fondatrice, avant la grande dispersion de la franc-maçonnerie et l’inflation de ses références.
Les langages symboliques de l’ésotérisme maçonnique de Pierre Pelle Le Croisa
Pierre Pelle de Croisa remet à plat, toujours chez Dervy (531 pages, 26 euros), les trois notions sans cesse revisitées d’ésotérisme, d’occultisme et d’hermétisme. Il balaye un certain nombre de problématiques récurrentes tenant à ces expressions de langages symboliques. L’auteur s’interroge également sur la manière dont ce que l’on peut appeler rapidement la pensée traditionnelle intéresse nos contemporains. On ne s’étonnera pas de l’orientation pan-spiritualiste de l’approche de Pelle de la Croisa qui précise qu’il est passé jadis du Grand orient de France à la Grande loge de France et à qui on reconnaîtra un patient travail de mise en forme d’un univers proliférant.
Réflexions sur les causeries initiatiques d'Édouard Plantagenét de Joël Gregogna
Classique parmi les classiques, Les Causeries initiatiques d’Édouard Plantagenét ont connu une première édition en 1936. Dervy réédite régulièrement les trois volumes dédiés aux trois degrés symboliques. Joël Gregonia propose une réflexion (490 pages, 26 euros) sur le premier tome, avec une préface de Jean-Bernard Lévy. Tout en prenant ses distances avec le ton assez moralisant et passablement daté de l’auteur des causeries, Joël Gregonia prend à son compte la conception de Plantagenét selon laquelle il existerait une sorte d’ordre primordial dont il s’agirait de documenter du mieux possible les diverses manifestations, une sorte de fond de commerce.
Maître d’équerre. Petit livret à l’usage des maîtres qui s’accomplissent de Didier Mansuy
Comme une majeure partie de la production consacrée aux grades ou aux rituels, celui-ci traite du rite écossais ancien et accepté et ici, plus particulièrement de la coupure symbolique que constitue pour l’auteur le passage à la maîtrise. Le maître passe comme on le sait de l’équerre au compas, et d’un travail avec les autres avec une préoccupation centrée principalement sur lui même. Certains verront dans cette démarche une apologie du narcissisme. Mansuy nous en voudrait, lui qui construit tout un système philosophique à partir de ce basculement vers une sorte de spiritualité qui procède pour lui d’un enrichissement, lui qui est également poète et romancier. Cela le pousse à rechercher non seulement la célèbre parole perdue, mais aussi l’instauration d’un Saint Empire. Ce type d’ouvrage permet d’avoir une idée de ce que peut être, au delà des systèmes choisis, l’imaginaire de celles et ceux qui le pratiquent.
Histoire du rite écossais ancien et accepté en France. Tome 1, des origines de la franc-maçonnerie à 1900 de Jacques Simon
À propos de rite écossais toujours, Jacques Simon nous offre la première partie d’une histoire générale de sa famille, forcément spiritualiste. Ce premier volume parcourt la période qui va des origines à la fin du XIXème siècle. Entre histoire et préhistoire, bien des lectures et relectures sont possibles. Préfacé par Jean-Pierre Lassalle et postfacé par Pierre Mollier, l’ouvrage comporte de nombreuses annexes qui marquent une certaine ouverture de l’auteur, membre du Suprême conseil pour la France,lié à la Grande loge de France, envers des structures équivalentes souchées sur le Grand orient ou le Droit humain. On retrouvera également le texte de la fameuse patente Morin dont la version originale datant probablement des années 1760 n’a jamais été retrouvée. La scission de la Grande loge symbolique écossaise en 1880 n’est pas oubliée. Nous attendrons avec une certaine impatience le deuxième épisode de la série.
La Franc-maçonnerie est-elle une gnose ? de Marc Halévy
Dans la collection « les outils maçonniques du XXIème siècle », Marc Halévy qui n’en est pas à son coup d’essai, traite un sujet que les lecteurs de Critica Masonica connaissent bien à travers les articles d’Adon Qatan. Pour l’auteur, la recherche de la connaissance qui permet in fine à l’adepte de dire « je sais » , plutôt que « je crois », se pose spécifiquement à chacun des degrés que franchit le franc-maçon. Marc Halévy détaille en conséquence son idée pour l’apprentissage, le compagnonnage et la maîtrise.
Il se demande ensuite si la figure du Temple de Salomon et celle de ses deux colonnes peuvent avoir un sens gnostique. La question est reposée avec le personnage d’Hiram. Nous laisserons le lecteur découvrir en quoi cette lecture, à la fois pacifiste et surplombante, peut reconfigurer les visions symboliques habituelles dans un sens mystique. Qu’on ne s’attende donc pas à une lecture non spiritualiste, comme en témoigne l’ultime conclusion du livre :
« La franc-maçonnerie n’est pas une école du narcissisme humain ou humaniste, ni le consolatoire des pleurnicheries humanitaires ; elle est une effroyable machine à broyer les ego et à ravaler l’humain au rang d’ustensile au service de ce qui le dépasse infiniment : la Gloire du Grand Architecte de l’Univers. Les faibles y sont pulvérisés, les fats ridiculisés, les orgueilleux laminés ».