Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
L’auteur de Debussy et l’échelle mystérieuse (éditions de la Tarente) est un fin connaisseur de la mouvance ésotérico-mystico-occultiste qui a marqué le passage d’un siècle à un autre et un moment d’effondrement de la croyance et de la pratique catholiques entre 1870 et 1914. Elle fut particulièrement active dans les milieux artistiques, qu’ils fussent littéraires, picturaux ou musicaux. La thèse d’Yvon Gérault, par laquelle on se laisse volontiers porter au gré d’une lecture agréable, est que Claude Debussy, par ses contacts, comme par ses choix esthétiques aura participé de ce mouvement qui s’inscrivait dans un moment de réenchantement parallèle à la brusque montée du rationalisme. On croise dans ce voyage nombre de franc-maçons, pas forcément spiritualistes.
Par respect pour le lecteur, Yvon Gérault multiplie les notes de rappel fort utiles à notre mémoire toujours défaillante et nous décrit dans le détail le croisement de plusieurs déterminations, estimant que le monde sonore de Debussy (1862-1918) relève de la recherche d’un ailleurs et d’un nouveau langage, en rupture avec la tradition académique, mais plongeant dans des conceptions anciennes de la tonalité. C’est à cette échelle de notes, pas si mystérieuse que cela, qu’il est fait allusion dans le titre du livre. Le paysage musical de l’époque, compositeurs et chefs d’orchestre, défile sous nos yeux.
La fin du livre nous est apparue cependant un peu volontariste. Que l’auteur de La Mer n’ait jamais appartenu à la moindre des organisations plus ou moins secrètes qui fleurissaient à l’époque, surtout à Paris, dont acte. Mais sa fréquentation des cafés, restaurants où les adeptes se retrouvaient, (en particulier le célébrissime cabaret du Chat Noir), ses rencontres artistiques, ses lectures suffisent à l’inscrire dans un milieu culturel bien identifié sans qu’il soit besoin de forcer le trait sous le coup de l’admiration.
Un autre intérêt de l’ouvrage de cet afficionado cultivé tient dans le rappel du fait que l’auteur de Pelléas et Mélisande, coureur de jupons invétéré, y compris de cantatrices, n’est pas parvenu à mener à bout d’autres opéras, ce que nous pouvons rétrospectivement regretter. On aura compris que nous avons affaire avec ces pages très documentées à un travail biographique à dimension sociologique fort intéressant et enrichissant.