Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
La livraison d’août-septembre 2019 de la revue Réseaux (éditions La Découverte) est consacrée à la façon dont le cinéma a vécu et vit encore la révolution numérique. « Résilient et résistant en dépit ou grâce à un système fin de chronologie des médias, ce secteur intimement lié aux technologies aurait absorbé le choc technique sans rompre sa dynamique de croissance, bien au contraire. »
Les deux coordinateurs du numéro, Philippe Chantepie et Thomas Paris, expliquent d’abord pourquoi la vieille expression « chronologie des médias » devrait être abandonnée au profit d’une nouvelle « chronobiologie des médias ».
La « chronologie des médias » pourrait remonter à 1972 quand le ministère de la culture et l’Office de radiodiffusion-télévision française (ORTF) ont signé une première convention organisant la diffusion des œuvres cinématographiques sur le petit écran. Mais depuis, le contexte a radicalement changé : le délai entre l’exploitation en salle et la diffusion télévisuelle s’est beaucoup réduit, il était de plusieurs années avant 1980, il n’est plus que de 18 mois en 2018. Le numérique a entamé l’éradication des vidéos physiques tout en gonflant les catalogues d’œuvres disponibles. Les acteurs de l’accès (YouTube, Netfix…) voient leur poids augmenter dans le secteur quand les budgets des chaînes payantes sont absorbés par l’acquisition de droits sportifs inflationnistes… C’est bien parce que ce contexte numérique dans un monde ouvert bouleverse en profondeur l’économie du cinéma et que les rapports entre ses acteurs évoluent constamment qu’il est proposé cette « chronobiologie des médias ».
Pierre-Jean Benghozi, Elisa Salvador et jean-Paul Simon s’intéressent ensuite aux transformations engendrées par le numérique, non pas du côté des modes de consommation, mais du côté de l’organisation du secteur (production, post-production et distribution).
À partir de l’arrivée d’Avatar de James Cameron sur les écrans, le 16 décembre 2009, Clémence Allamand analyse les conséquences de l’irruption du numérique non seulement sur la projection (la technologie 3D d’Avatar nécessite d’équiper les salles en projecteurs numériques) mais également sur tout le secteur de la diffusion.
Christophe Cariou et Fabrice Rochelandet s’essaient au délicat exercice de mesure de l’indépendance des critiques par rapport à leur environnement économique. Plutôt que de reprendre la traditionnelle distinction entre « critique indépendante » et « critique promotionnelle », les auteurs proposent une distinction fondée sur le caractère du média : « dépendant », « neutre » ou « alternatif ».
Chloé Delaporte se livre à une passionnante étude sur le classement par genres des œuvres sur les plateformes de vidéo à la demande. Elle explique notamment que les genres classiques perdurent sauf pour le « drame » et le « film historique ». Elle mentionne également que d’autres genres gagnent en visibilité comme « horreur » qui a conquis sa légitimité ; « films primés » avec ce reste de valeur prescriptrice ; « série » fort de sa nouvelle popularité ou « enfant/jeunesse » qui permet l’exercice du contrôle parental. Elle constate enfin que ce sont les plateformes les plus cinéphiliques ou « auteuristes » qui refusent un classement par genres.
Enfin Tomas Legon étudie un dispositif mis en œuvre par la région Rhône-Alpes en 2013 pour aider les salles indépendantes à attirer un public jeune. Il note que le dispositif s’inscrit dans la promotion d’un idéal d’« éclectisme éclairé ». Ajoutons que cette dernière figure renvoie à l’étude de Jean-Michel Guy sur « Les représentations de la culture dans la population française » (DEPS, MCC, septembre 2016-1) qui distingue, parmi 4 postures à l’égard de la culture, l’« éclectisme critique » rassemblant près d’un tiers (32%) de la population autour de l’idée que « tout est potentiellement culturel, à certaines conditions. » Mais « éclairé » ou « critique », cet éclectisme correspond aussi à la façon dont le ministère de la Culture a élargi son périmètre après 1981 au jazz, à la bande-dessinée, aux cultures dites urbaines… sous réserve d’« excellence. » Pour revenir au cinéma, l’« excellence », c’est le chemin parcouru entre le spectacle forain de la fin du XIXe siècle jusqu’au « film d’auteur » de la seconde partie du XXe.