Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Benjamin Rathery
Dans Dites-lui que je l’aime de Clémentine Autain (Grasset, Paris, 2019), la narratrice évoque sa mère disparue en 1985 alors qu’elle avait 12 ans. Le livre alterne enquête et reconquête. Long parcours d’enquête sur cette mère si souvent absente. Et histoire d’une tendre reconquête affective.
Tout était radical chez Dominique Laffin : l’alcool, ses relations avec les hommes... jusqu’à ce qu’elle soit retrouvée morte dans sa baignoire une boite de barbituriques en évidence avec un magazine ouvert à la page de la mort de Pascale Ogier. Et sa jeune fille a dû vivre avec cette radicalité : dans l’abandon quand, à 7 ou 8 ans, Clémentine se réveille et se découvre seule dans l’appartement ; dans la honte de voir sa mère ivre ; dans l’angoisse quand, en août 1984 sur l’île d’Andros, sa mère veut enjamber le balcon et se tuer...
Pourtant la narratrice va apprendre à apprécier la radicalité de sa mère surtout quand elle se traduit par un engagement militant féministe provoquant la reconnaissance d’une dette : « Nous vous devons le coup d’essai. Et je te dois le goût de la liberté. » En classant des papiers abandonnés depuis longtemps dans une « malle verte », elle découvre enfin ses films et surtout Dites-lui que je l’aime de Claude Miller : « Cette facette audacieuse jusqu’à l’insolence, joyeusement culottée, si tu savais comme je l’aime. » Dès lors, « tout fonctionne comme si l’émotion et l’admiration n’étaient plus interdites » pour cette mère partie sans un mot.
Autrefois, la narratrice confie : « j’ai pensé que tu devais être cachée quelque part en moi mais j’étais heureuse de ne plus te trouver. » Mais, aujourd’hui, sur le chemin de la réconciliation, l’autrice établit un point de convergence et de complicité dans ce combat féministe partagé à une génération d’intervalle. Dommage que, poursuivant son émouvant cheminement, l’autrice n’ait pas tenté d’interroger sa propre radicalité - celle qu’elle porte en politique - dans ce qu’elle doit ou non à son héritage familial. Un mystère en cache parfois un autre.