Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Soyez parfaites mes sœurs ! Les pionnières du droit humain » d’Annick Drogou et Dominique Segalen

Jean-Pierre Bacot

Commençons par la préface de Claudine Fradet, actuelle « Président du Grand Conseil, Très puissant Grand Commandeur de la Fédération française le Droit Humain » (DH), qui parle de sœurs « francs-maçons » et remercie les « auteures » du livre (chez Numérilivre) dont nous parlons… Cherchez l’erreurE, « Soyez parfaits mes sœurs ! », devrons-nous écrire en reprenant ce que fut la phrase de Georges Martin, l’homme qui accompagna ce gynécée.

Une telle ambivalence langagière qui précède un travail hagiographique sur les fondatrices et le fondateur de la première obédience maçonnique mixte française, devenue internationale, s’explique par le refus de mettre la démarche en perspective autrement que par une attitude quasi sanctifiante, ce dont témoigne, entre autres, une étrange manière d’écrire les noms propres en majuscules. Il est certes précisé que les fondatrices du Droit Humain, amies de Maria Deraismes, étaient de tendance familialiste, plutôt anticléricales, interclassistes. « L’état des lieux politique et social » par quoi commence le livre se contente pourtant d’insister, à fort juste titre, sur le machisme incensurable des maçons français de la fin du XIXème siècle et du début du XXème.

Il eût fallu mettre en relief les divers formes de féminisme construite depuis la Révolution, y compris la gestion du lesbianisme, que l’on verra apparaître plus tard incidemment en maçonnerie féminine, sans oublier la question de l’emploi du féminin pour les titres. Qu’à l’époque de la fondation du DH, un choix ait été fait en quelque matière que ce soit n’explique pas qu’aucun changement ne soit aujourd’hui intervenu, sauf à considérer que les prophétesses ont installé une doxa, ou dit plus simplement une préhistoire intangible.

L’essentiel du livre est une suite de portrait des fondatrices et de deux fondateurs : Marguerite Cremnitz, Louise David, Anne de Vienne, Charlotte Duval, Elisa Lévy-Maurice, « Docteur » Marie Pierre, Myrtile Rengnent, Louisa Wiggishoff, Florestine Mauriceau, Eliska Vincent, Maria Martin, Marie Béquet de Vienne, Clémence Royer, Anne Féresse-Deraismes, Maria Deraismes, Marie Georges Martin. Puis, sous forme brève, il est rendu hommage à  Maria Pognon, Marie Bonnevial,  Léon Richier, Georges Martin.

Rien n’est dit du fait que des mangeuses de curés aient choisi le Rite écossais dont nul  n’a jamais ignoré, pour qui voulait bien le savoir, que le fondateur, le Comte de Grasse-Tilly, fut un esclavagiste notoire. Il est évident que le fait que le DH ne se soit pas ouvert à la pluralité des rites, alors qu’il constituait la seule obédience mixte, l’a empêché de devenir une des plus importantes structures maçonniques françaises. La liberté toujours offerte aux loges d’invoquer le progrès de l’humanité ou le Grand architecte de l’univers marque aussi une sorte d’hésitation.

En résumé, ce nouvel ouvrage issu de la commission d’histoire de Fédération française du Droit humain n’apporte pas grand chose à la connaissance de l’obédience dont il se murmure que les effectifs stagnent. Au delà de la « Vie de Saintes laïcisées », pour savoir ce que fut le Droit humain au cours du XXème siècle et ce qu’il est aujourd’hui, les conséquences sur son recrutement de l’ouverture du Grand orient aux femmes, la scission qu’il a connue avec la création de la Grande loge mixte universelle (GLMU) en 1973 et autres questions, il faudra attendre, si tant est que cela intéresse historiens et sociologues.

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article