Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
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Alain Bellet
Autrice dramatique, comédienne, docteur en philosophie et docteur en esthétique, professeur à l’Institut Français de la Mode depuis 1997, Dominique Paquet a publié Miroir, mon beau miroir, une histoire de la beauté (Découvertes Gallimard, 1987), La Beauté (Gallimard, 2013), ainsi que de nombreux articles sur l’histoire du maquillage, les mises en scène du corps (tatouage, piercing) et sur la philosophie du corps, notamment pour l’Encyclopaedia Universalis. Autrice de nombreuses pièces publiées et jouées, elle a fait l’objet d’une entrée dans le Dictionnaire universel des créatrices (éditions Des Femmes, 2013).
Dès les premières lignes de l’ouvrage, en camarade de voisinage, Dominique Paquet rapporte une question posée à Aristote : « Pourquoi l’homme est-il fasciné par la beauté ? » et le philosophe de répondre : « C’est la question d’un aveugle ! »
Cette réponse enracine la beauté sur le primat de la vue, à l’exclusion totale des autres sens. Le beau sonore, le beau olfactif, le beau gustatif, le beau tactile s’effacent pour un temps long.
Pour l’autrice des commentaires des Grands textes de la beauté (Institut Français de la Mode, éditions Regard, 2020), « Beau et beauté apparaissent comme des notions à la fois conjointes et séparées. Conjointes sur le plan sémantique et disjointes en raison du choix de l’épicène ou du féminin. Lorsqu’on utilise la notion de Beau (kalos), l’esthétique philosophique est convoquée, alors que la notion de Beauté parait d’emblée liée à d’autres valeurs, la féminité, l’expressivité, la grâce, le charme, le mouvement, c’est-à-dire à une allégorie symbolique de la femme. »
Depuis l’Antiquité, la beauté des corps tient une place centrale dans les relations sensibles avec tant d’évidence qu’on la néglige sur le plan intellectuel. Pour Dominique Paquet, elle est objet d’études approfondies depuis de longues années. « Pour les idéalistes, la Beauté est transcendante, liée à un dieu ou à une intentionnalité, pour les matérialistes, elle est immanente. Elle est substance avec un B majuscule, elle n’est que l’attribut d’un objet, d’une forme, d’une œuvre, d’un individu avec un b minuscule. »
Au-delà de ses travers et d’une certaine superficialité, la beauté engage des pratiques et des rituels qui traversent allégrement les époques et les cultures. Longtemps marginalisés et méprisés, les soins d’embellissement n’ont que très récemment fait l’objet de travaux et d’analyses philosophiques, sociologiques, anthropologiques. Il semblait nécessaire, à travers un large choix de textes fondamentaux, de parcourir le long chemin de cette histoire des pratiques de beauté, en apportant la preuve que même sous des formes quotidiennes ou parfois mondaines, la mise en spectacle du corps humain s’impose comme une nécessité essentielle dans l’histoire humaine comme dans l’époque contemporaine.
Commentant et présentant une vingtaine de textes philosophiques et esthétiques incontournables, l’autrice nous propose ici un sentier sensible de filiation, allant en sillonnant de converses en méditations avec les écrits de Platon, Charles Baudelaire, Claude-Lévi-Strauss, Lola Montes, Georges Vigarello, Jean Malaurie, Paul Ardenne, et bien d’autres encore, dont ses propres travaux littéraires et philosophiques.
Et s’il fallait une invitation à la découverte, suivons un instant les pas de l’écrivain et poète François Cheng qui affirme : « on se dirige d’instinct vers ce qui est beau, un bel arbre, un beau visage… » Alors comme en écho, Dominique Paquet souligne l’idée de la valeur de la création artistique, de la morale, de la spiritualité.
Ainsi, au fil des pages, se trouvent assemblées pour le bonheur du lecteur, l’esthétique, l’éthique et la métaphysique. Enfin, avec Paul Ardenne, une question simple demeure : le beau est-il partageable ? N’est-il pas in fine que subjectif ? Et Dominique Paquet questionne peut-être une évidence : « La beauté se situerait finalement dans l’œil de celui qui regarde ! » Suivons le doigt montrant la beauté de la Lune, mais laissons le regard porté sur les seules phalanges du montreur d’astre aux plus demeurés… Aujourd’hui, avec Isabelle Queval, le sujet se corse et la beauté quantique s’invite aux agapes philosophiques. Que devient la beauté dans la toile cosmique ? La beauté se conçoit en réseaux. Elle ne se conjuguerait désormais qu’au pluriel, au risque de disparaitre. « Des beautés surnagent dans un paradigme numérique, cosmogonique, holistique et relatif, éclaté dans des temporalités différentes, successives ou simultanées... » Dominique Paquet regarde alors avec délice le champ élargi de l’objet étudié dans ce livre et elle s’en réjouit.
