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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Indigne toit » : une installation photographique d’Anthony Micaleff. Reconstruire la mémoire populaire, juste avant les immeubles

Jean-Pierre Bacot

Le photographe Anthony Micallef vient d’avoir une idée toute simple, mais proprement géniale qui, sous le titre « Indigne toit », a enthousiasmé la nouvelle Maire de Marseille, Michèle Rubirola. Il s’agit de marquer d’une manière originale le deuxième anniversaire du drame de la rue d’Aubagne où huit personnes moururent sous les décombres de leur immeuble. Le photographe montre des habitants en situation de détresse, mais sans le moindre pathos, ni esthétisme. Ce n’est pas non plus du néo-réalisme. Cette exposition vient hélas de quitter les murs de la Mairie, espérons qu'elle trouve  rapidement.un autre abri

Alors que le premières mises en examen sont intervenues, permettant que les responsabilités d’une longue incurie mortifère soient enfin établies par la justice, la mairie centrale de la cité phocéenne, sise sur le Vieux port, a perdu les barrières de protection qu’avait installées Jean-Claude Gaudin, lequel, soulignons-le, n’aura pas refusé sa défaite face à Michèle Rubirola. Sur les murs de ladite-mairie, en particulier sur des fenêtres murées il y a quelques dizaines d’années, Anthony Micaleff a installé jusqu’à la fin novembre des photographies d’habitant.es de ce quartier de Noailles,  au cœur de ce centre ville abandonné depuis la deuxième guerre. Pas moins de 4 500 personnes ont été logées à l’hôtel, après que leur immeuble a été déclaré insalubre et il faudra des années pour résorber l’abcès.

Après l’effondrement des 63 et 65 rue d’Aubagne à 9 heures du matin, les édiles de l’ancienne équipe, tétanisés par la possibilité d’un nouvel accident, ont en effet déclaré en série des « états de péril » et créé des rues fantomatiques qui commencent doucement à reprendre vie.

Incarnation d’une souffrance et d’une colère, travail de mémoire, tout ce que l’on pourrait dire de ce travail photographique relèverait d’une banalité convenue. Mais sa force est grande, trop peut-être pour que cela fasse événement, car le « petit peuple » ne passionne pas, hélas, même si, dans ce cas, il  habite le centre de la deuxième ville de France. Avec le soutien de la fondation Abbé Pierre, l’une des associations qui oeuvrent sans relâche à redonner vie à ce quartier étrange où un hôtel de luxe jouxte un marché arabo-berbère et où des réparations commencent à rattraper un incroyable retard urbanistique, ce travail photographique vit sur les réseaux sociaux et sera, espérons-le, prolongé. Pour l’instant, il a reçu un accueil poli. Il est vrai que le confinement n’aide pas les artistes.

« Detrumpez-vous », nous objectera-t-on, ne soyons pas pessimistes, le monde change parfois dans le bon sens, celui de l’humanisme, de la justice, en un mot comme en cent, des valeurs maçonniques. Même si Anthony Micaleff passe son temps à déclarer qu’il n’est pas militant, nul ne s’y trompe, c’est une sorte de protection. En effet, l’une des photos montre un homme dont le maillot porte l’inscription : « Ni oubli, ni pardon ». Si ce n’est pas purement politique, cela y ressemble et tant mieux. Le travail de photojournaliste possède en en tout état de cause une forte dimension sociologique qui a amené Anthony Micaleff, dans une série « Pourquoi tu sors ? » à travailler sur le confinement, toujours à Marseille, ville de tous les possibles, pourvu qu’on les prenne en mains.

Signalons ,pour celles et ceux qui ont le droit de se promener dans le quartier, que la Mairie des 1er et 7ème arrondissement de Marseille reprend une très belle exposition qui s'était tenue dans la salle historique des rotatives de la Marseillaise, hélas vendue à ce jour, intitulée " la dent creuse". Reprenant cette expression urbanistique désignant un trou dans une continuité d'immeubles, la journaliste Christelle Bazin et la photographe Agnès Mellon proposent une sorte de son et lumière très sombre, sur le même thème des drames de  la rue d'Aubagne qui dégage une intense émotion.

Il reste à espérer que ces installations artistico-politiques puissent voyager en France, car si Marseille comprend en son sein les sept quartiers les plus pauvres de France, elle constitue aujourd'hui un véritable laboratoire d'innovation sociale et culturelle.

 

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