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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

UN plus UN égal on ne sait trop quoi, mais en politique, cela ne fait pas DEUX

Joël Jacques

Thierry Maugenest est amoureux de Venise tout autant que des situations politiques ambiguës comme la lente déliquescence d’un monde qu’il présente dans La septième nuit de Venise, ouvrage paru chez Albin Michel dans lequel ce n’est ni plus ni moins que l’auteur Carlo Goldoni qui prête sa main à l’enquête. Le mystère aux mains d’une société secrète, une énigme qui court à travers les âges dans « Venise.net ». Il est aussi l’auteur qui s’attarde sur des personnages à la fois très connus, mais aussi, inconnus comme c’est le cas pour sa biographie d’Étienne de Silhouette (1709-1767), le ministre banni de l’histoire de France (éditions La Découverte), le ministre de Louis XV qui eut l’idée de créer un impôt sur la fortune, ce qui lui valut les oubliettes de la mémoire et d’être définitivement rayé des livres d’histoire (on ne badine pas avec les puissants et cela ne date pas de la semaine dernière !).

Cet auteur m’a donné, durant le confinement de mars, mon plus grand plaisir littéraire du moment avec ce merveilleux ouvrage : Les spaghettis de Baudelaire. 50 conseils pour briller en cours de lettres (Omnibus) dont je ne saurais trop recommander la lecture en un temps où la culture générale semble reléguée au rang d’anecdote et la culture tout court semble être un motif de condamnation.

Bref, l’auteur est amateur de situations politiques et culturelles ambigües et floues. Ici, il nous livre un monuments permettant de dégoupiller tous les complots reposant sur les mathématiques... et ils sont nombreux ! Alors, quel meilleur moment que le temps quelque peu étrange qui se présente à nous aujourd’hui, pour nous plonger dans l’ouvrage qu’il co-signe avec un complice ; Antoine Houlou-Garcia, ancien statisticien à lInstitut national de la statistique et des études économiques (INSEE), doctorant à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) sur l’usage des mathématiques en théorie politique, chargé de cours à l’Université de Trente (Italie), bref, un homme qui n’en est pas a sa première escapade sur l’étude des chiffres.

Le Théorème d’hypocrite vient à point nommé se glisser dans l’ambiance délétère de la politique du moment et du monopole de l’information quotidienne relative à la Covid. En effet, il serait surprenant que nous puissions trouver, depuis la création des journaux télévisés et radiophoniques, une période aussi longue durant laquelle la seule information quotidienne et unique durant plus de huit mois soit un même sujet, à savoir un virus. L’ouvrage n’en parle pas en ces termes, mais je vais essayer de paraphraser. Imaginons que depuis le premier mars (je prends cette date au hasard), jusqu’au 1er septembre, environ trois ou quatre médecins différents soient venus donner leur avis chaque jour. Si nous faisons le calcul, nous en sommes à 6 mois que nous réduirons à 30 jours pour le calcul, soit, au total 180 jours que nous multiplierons par trois médecins pour arrondir, c’est-à-dire 180 x 3 = 540. Mais ce dernier chiffre n’est pas exact car ce serait considérer qu’il n’y a qu’un seul journal télévisé par jour, or il y en a environ 10 en moyenne répartis sur plusieurs chaines ce qui nous amène à 540 x 10 = 5400. Ce serait donc potentiellement le nombre de médecins ou de soignants qui sont venus livrer un message unique afin de distiller la même peur sur l’ensemble de la population. On aura remarqué qu’aucun d’entre eux ne s’est jamais plaint de la réduction du nombre de lits dans les hôpitaux publics, réduction qui continue de courir. Pour être clair, dans la situation actuelle, avec des services engorgés, les budgets des hôpitaux continuent à être réduits et les lits diminués. C’est d’ailleurs le regret de la Cour des comptes qui estime qu’il y en a encore trop (dans un rapport de septembre) et que l’on devrait aller vers plus de glissement vers l’offre privée. Bon, ça c’est pour Hippocrate, peut-être même hypocrite.

Bien évidemment, je l’ai dit, ce calcul ne figure pas dans l’ouvrage. En revanche, l’esprit en reste inspiré et ce que l’on peut y trouver, c’est l’usage des statistiques et la manipulation des modes de calcul en vue d’obtenir tel ou tel résultat... Un plus un n’est pas toujours égal à deux, surtout en politique où le résultat relève surtout de la manipulation à usage autocratique.

L’exemple le plus frappant (entre autres), dans l’ouvrage est celui qui est titré « D’étranges erreurs sur tableur Excel » qui décrit les recherches d’un étudiant en économie, recherches portant sur le célèbre ouvrage de Reinhart et Rogoff, Groth in a Time of Bebt (« La croissance en temps de dette ») publié en 2010 en des temps de récession. Ouvrage intéressant par le fait qu’il a conduit à justifier toutes les politiques d’austérité de l’époque et conduit à la crise monétaire grecque. Conclusions catastrophiques, on en convient, mais, libérales et donc, acceptables. Ceci étant, l’étudiant dépouille l’ouvrage et reprend les données sur lesquels s’appuient les auteurs... surprise ! Dans les tableaux Excel qui servent de point de départ, il ne manque pas moins que les lignes correspondantes aux pays dont les données viennent contredire les conclusions. Les calculs ont donc largement été bricolés. Il vous appartient d’acheter le livre pour en avoir le cœur net avec plus de détails..

Alors, pourquoi ai-je parlé de Venise et de l’amour que lui porte Thierry Maugenest ? Et il n’est pas le seul ! Tout simplement parce que son ouvrage La septième nuit de Venise que j’ai relu avec plaisir durant le confinement, présente une Sérénissime déliquescente et désabusée, une fin de règne désenchantée. Comment ne pas faire le rapprochement avec le démantèlement progressif de notre économie et notre cinquième République dont la constitution n’empêche manifestement pas l’abus de pouvoir et la mise en œuvre de politiques dictées par un « Conseil de défense » qui se réfugie derrière des chiffres pour décréter. On n’oubliera pas que la toute première action du Premier ministre fut de se précipiter à l’Assemblée nationale pour faire passer la réforme des retraites par l’article 49 paragraphe 3, ce qui clôturait les débats et les manifestations (tout le monde confiné et donc, personne dans la rue). Quant à la première décision collective de ce Conseil de défense, ce fut, le 24 mars 2020, de porter la durée du travail à 60 heures. On voit bien que la principale préoccupation était relative au virus nommé Code du travail.

Ceci étant, il est bon de se reporter aux chiffres et aux modes de calcul. Alors, derrière les chiffres ? Depuis le mois de janvier 2020, les modes de calcul relatifs à l’impact du virus ont changé au moins trois fois, si ce n’est quatre, de manière à toujours souligner la gravité de la situation. De même, pour qui se lève tôt avec la radio, les chiffres de la mortalité sont quasi identiques d’un jour à l’autre, comme si le virus avait un quota. Ne s’agirait-il pas de faire glisser le devoir de l’État d’un service au public et de la gestion du pays à une action intrusive quant à la vie de la population.

Mais là, je m’éloigne. En fait, toutes les formes de ces calculs machiavéliques sont particulièrement bien expliquées dans le livre dans un langage compréhensible. Cela fait que l’amateur de sciences dures comme les mathématiques peuvent s’y retrouver tout autant que l’amateur des sciences dites « molles » comme la politique. Quoiqu’à l’usage, la politique a probablement des conséquences plus dures que la science.

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