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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

On a tous quelque chose de V.G.E. (2/3)

Julien Vercel

Depuis le décès de Valéry Giscard d’Estaing (VGE) le 2 décembre 2020, chaque commentateur ne manque pas de le comparer à l’actuel locataire de l’Élysée. Il y a certes des points de convergence (I). Mais la comparaison de Nicolas Sarkozy à VGE aurait plus de sens.

D’abord parce que tous les deux ont réussi une alternance au sein même de leur propre camp. VGE est élu avec les voix du centre-droit, de la droite non-gaulliste et en arrachant une partie des gaullistes emmenés par Jacques Chirac (qui devient premier ministre). VGE s’impose ainsi face à Jacques Chaban-Delmas, pourtant candidat officiel du parti gaulliste, l’Union des démocrates pour la République (UDR). Prônant la « rupture », Nicolas Sarkozy multiplie les déclarations contre les fidèles chiraquiens du Rassemblement pour la République (RPR). Une fois élu, il se moque ouvertement de son prédécesseur, Jacques Chirac : « On dit omniprésident. Je préfère qu'on dise ça plutôt que roi fainéant. On en a connu » (discours des vœux aux parlementaires et aux conseillers de Paris, 7 janvier 2009).

Sur l’ambition réformatrice, le bilan de Nicolas Sarkozy supporte la comparaison avec celui de VGE : la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008 limite à 2 les mandats présidentiels ; crée un référendum d’initiative partagée (certes à la mise en œuvre quasi impossible) ; instaure la question prioritaire de constitutionnalité (QPC) qui permet à tout particulier de saisir le Conseil constitutionnel sur un texte qui lui est opposé ; laisse au Parlement le soin de fixer, pour 14 jours par mois, son ordre du jour, dont 1 jour pour l’opposition. Enfin les présidences des commissions des finances du Parlement ont été attribuées de droit à l’opposition.

D’autres réformes ont été engagées en dehors de cette loi constitutionnelle : les comptes de l’Élysée ont été soumis au contrôle de la Cour des comptes à partir de l’année 2008 (ce qui révèlera le financement pharaonique de sondages) ; les règles de la représentation syndicale ont été modifiées (lois des 20 août 2008 et 15 octobre 2010) pour que la légitimité soit fondée sur les résultats des élections professionnelles.

Comme VGE, l’élan réformateur de Nicolas Sarkozy a été frappé de plein fouet par la crise économique qui a ralenti voire inversé les chiffres de la croissance. VGE a encaissé les effets des deux chocs pétroliers (1973 et 1979) mettant fin aux « Trente glorieuses » et inaugurant la période de chômage de masse. Nicolas Sarkozy a encaissé la crise bancaire et financière de 2008.

La fin de leur mandat a aussi été marquée par la multiplication des « affaires ». En 1979, Le Canard Enchaîné révèle les « diamants » offerts à VGE lorsqu'il était ministre des Finances, par Jean-Bedel Bokassa empereur de Centrafrique. Quant à Nicolas Sarkozy, il est soupçonné, avec Éric Woerth, d’avoir financé sa campagne de 2007 avec l’argent de Liliane Bettencourt. VGE finit affublé d’un style « monarchique » entre faste versaillais et parties de chasse. Le premier numéro des Dossiers du Canard, paru en avril 1981, s’intitule d’ailleurs : « Giscard : la monarchie contrariée ». Et Nicolas Sarkozy finit affublé du titre de « Président des riches », titre de l’essai de Monique Pinçon-Charlot et Michel Pinçon (Le président des riches. Enquête sur l'oligarchie dans la France de Nicolas Sarkozy, La Découverte, 2011).

Dernier point commun, ni VGE, ni Nicolas Sarkozy n’ont été réélus au terme de leur mandat. François Hollande, toujours meilleur commentateur que président, n’avait pas hésité à comparer Nicolas Sarkozy à VGE : « Je suis frappé par l'analogie entre la fin du giscardisme et celle du sarkozysme. Tous les deux avaient brandi la rupture, brisé des codes, pratiqué l'ouverture. Tous les deux ont été bousculés par la crise et ont connu cette dérive monarchique avec des entourages qui ont fini par se détruire de l'intérieur. La victoire ne se construit pas sur une décomposition » (Le Monde, 18 avril 2010).
Mais au petit jeu des ressemblances, n’y-a-t-il pas d’autres « dérives » partagées avec François Hollande ?
À suivre.
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