Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
L’Abbé Cédaire
Le 27 novembre dernier, les 9 principales obédiences françaises ont fait paraître un communiqué de presse pour le moins surprenant.
Ce communiqué demande la reprise des travaux maçonniques dans le cadre de protocoles sanitaires renforcés. Il est vrai que les travaux de nos loges ont été largement ralentis depuis le mois de mars, malgré la meilleure volonté mise par nos sœurs et nos frères pour trouver des solutions alternatives et maintenir le contact, essentiel non seulement à notre santé mentale mais également au maintien de nos liens fraternels.
Jusque-là, rien de très étonnant, même si la propagation du virus continue à grande vitesse et que nous ne sommes pas encore sortis d’affaire. Mais nos grand.e.s maîtr.ess.es insistent,cette réouverture peut se faire puisque « lesoffices dans les lieux de culte seront permis, sous une stricte limite. ».
On peut donc légitimement s’interroger. Sommes-nous une chapelle, une religion comme les autres ? Pourquoi comparer notre activité à celle d’un culte ? Il me semblait que nous étions, pour une bonne part, adogmatiques. Ne sommes-nous pas assez légitimes par nos propres actions ? Ou y aurait-il un motif à jalousie, dans le cas où les fidèles -dont certain.e.s de nos sœurs et nos frères- pourraient rejoindre leurs mosquées, temples, synagogues, églises et pas les francs-maçon.ne.s ? Ou peut-être, finalement, le seul chemin vers un évitement des interdictions de réunions associatives était de se mettre en procession avec les religions…
Je crois qu’il y a une forme de « chapellisation » de notre positionnement à un moment où, plus que jamais, nous devrions nous unir et passer au-delà de nos différences pour rappeler la force de la communauté nationale et au-delà, la force de cette humanité qui nous lie tous, par-delà le temps et l’espace.
Ledit communiqué intervient par ailleurs dans une période où des faits graves ont mis en lumière la violence policière ainsi que les risques pesant sur les droits et libertés fondamentales, notamment à travers l’inscription dans le droit commun de mesures d’exceptions (qu’elles soient liées à la crise sécuritaire ou à la crise sanitaire). Il intervient également, alors que l’on aurait pu s’attendre et souhaiter que les obédiences maçonniques se prononcent dans ce débat fondamental pour notre pays. Le Grand orient de France (GODF) a donné sa position, où sont les autres ? Sans nier la nécessité d’adapter le droit aux situations rencontrées par notre société ou même la nécessité de protéger ces femmes et ces hommes dont le rôle est de protéger les citoyens et qui sont prêts à mettre leur vie en jeu pour cela, il est essentiel de rappeler des points très basiques, que nous rappelons à chaque ouverture de tenue : nous travaillons à l’amélioration matérielle et morale, au perfectionnement intellectuel et social de l’humanité.
Pour ces raisons, il est essentiel que notre ordre ait une expression forte et claire, évidemment pour la défense de la liberté d’expression lorsqu’elle concerne des journalistes attaqués par des fanatiques religieux, mais également à chaque fois que les droits et libertés civiques sont mises en risque.
Voilà pourquoi nous ne sommes pas une « chapelle » comme les autres. Contrairement à beaucoup d’autres rassemblement humains, nous avons pris l’engagement de veiller sur nos sœurs et frères en humanité, y compris lorsqu’ils ne sont pas maçon.ne.s, pour leur permettre de goûter à la Liberté et à la Justice que nous proclamons à chaque fois que nous travaillons et que nous promettons de poursuivre au dehors de nos temples.