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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Point de vue / Pouvons-nous encore nous parler ?

Jean-Pierre Bacot

 

Deux livres que nous avons récemment chroniqué sur ce blog permettent un début d’explication à cette question qui nous taraude : pourquoi donc les discours, parlés ou écrits, deviennent-il si violents ? Pourquoi les familles politiques et philosophiques se déchirent-elles à ce point, alors-même qu’elles auraient grand intérêt à s’unir ? Ces deux ouvrages, et il en est bien d’autres, sont La Grande confusion, comment l’extrême-droite gagne la bataille des idées de Philippe Corcuff et L’identité c’est la guerre de Roger Martelli.

Certains diront que l’épidémie de Covid, dont nous sortons à peine, n’aura pas facilité l’éclaircissement des esprits, installant la peur et la méfiance, augmentant les violences domestiques et les cas de dépression. Sans doute est-ce en partie vrai, mais le phénomène de durcissement des discours nous semble avoir commencé plus tôt, peut-être avec l’installation accentuée du néolibéralisme, dont l’élection d’Emmanuel Macron est l’un des effets les plus visibles, et l’introjection corrélative de la fameuse injonction de Margaret Thatcher : « There is no alternative ».

La contagion des idées d’extrême-droite n’est pas un fantasme de sociologue, de politiste ou d’historien. Les notions de progressisme et d’émancipation ont le plus grand mal à trouver place dans l’agenda des médias et dans les débats internes aux organisations. En revanche, les thématiques sécuritaires et leur croisement avec la question de l’immigration, le retour du nationalisme et la méfiance envers toute représentation nous ont envahis. Lorsque ce n’est pas le cas et que nous tentons de résister, ce cadre de pensée nous paralyse. La peur de perdre domine l’espoir de progresser, le passé devient une nostalgie qu’on ne peut interroger sans risque. Plus beaucoup de travail, des familles qui tanguent et une patrie tiraillée par l’Europe et le local...

Quant à l’identité, elle devient mortifère, dès lors que l’on insiste davantage sur ce qui divise que sur ce qui rassemble, ce qui est bien le cas aujourd’hui. Ce que l’on appelle l’intersectionnalité complique la situation, puisque l’on peut-être tout à la fois japonais, homosexuel, chrétien, collectionneur de coquillages et supporter du PSG, avec quelques difficultés à se parler à soi-même. Nombreux seraient les textes à citer à ce propos, dont Les Identités meurtrières d'Amine Maalouf.

Tout cela pourrait sembler relever d’une écrasante banalité, mais la violence des discussions que l’on peut toucher du doigt dans la manière dont s’invectivent en ces temps difficiles les diverses variantes du camp laïque est indéniable. Quel que soit le milieu, chacun peut le constater autour de lui, la peur de choquer devient si forte que, justement, seul le registre de la banalité peut être utilisé sans risque. C’est la notion même de débat, la disputatio antique, qui est en cause, puisqu’il ne faut en général que quelques minutes pour entendre : « mais comment-peux-tu dire cela ? », ou « tu ne sens pas que cela fait le jeu de l’extrême-droite ? ». Autant dire que cette extrême-droite est devenue une véritable boussole.

Même lorsqu’il semble que l’anti néofascisme pourrait se réveiller contre des pétitions ou des manifestations de militaires ou de policiers qui se sont récemment multipliées, le silence règne, ou presque. Rares seront ceux qui tenteront d’analyser comment se structurent aujourd’hui, parallèlement au durcissement de la politique sécuritaire, une pensée et une action factieuses. Imaginons la discussion entre ceux qui laissent insulter publiquement la justice en oubliant toute détermination sociale aux problèmes posés et ceux qui le refusent, au sein même du camp progressiste ? Communistes et socialistes furent présents à la manifestation des policiers devant l’Assemblée nationale, le 19 mai, la France insoumise absente, les écologistes divisés.

À l’intérieur des familles politiques conservatrices, l’ambiance n’est guère meilleure. Au-delà des aspects électoraux, c’est aussi l’extrême-droite qui mène le bal et contamine les discours des prétendants. Un petit espoir est cependant en train de naître avec un Président américain qui multiplie les prises de position et les actes qui font avaler leur dentier à ceux qui n’ont toujours pas digéré leur défaite et, de désespoir, ont envahi le Capitole. Le néolibéralisme est-il en train de vivre ses derniers temps ? L’avenir proche nous le dira.

Comment pouvons-nous espérer nous ressaisir en attendant? En choisissant de revenir à la notion d’émancipation, en relançant la nécessité de coupler la liberté avec l’égalité, pour espérer réinstaurer une forme de fraternité. En acceptant de proposer un contre-agenda ; en luttant explicitement contre les hégémonies qu’on semble nous proposer, mais qu’en réalité on nous impose ; en lisant, en écrivant, en partageant, y compris sur ces réseaux dit sociaux qui n’ont peut–être pas que des défauts.

Tout cela pourrait sembler relever d’une écrasante banalité, mais la violence des discussions que l’on peut toucher du doigt dans la manière dont s’invectivent en ces temps difficiles les diverses variantes du camp laïque est indéniable. Quel que soit le milieu, chacun peut le constater autour de lui, la peur de choquer devient si forte que, justement, seul le registre de la banalité peut être utilisé sans risque. C’est la notion même de débat, la disputatio antique, qui est en cause, puisqu’il ne faut en général que quelques minutes pour entendre : « mais comment-peux-tu dire cela ? », ou « tu ne sens pas que cela fait le jeu de l’extrême-droite ? ». Autant dire que cette extrême-droite est devenue une véritable boussole.

Même lorsqu’il semble que l’anti néofascisme pourrait se réveiller contre des pétitions ou des manifestations de militaires ou de policiers qui se sont récemment multipliées, le silence règne, ou presque. Rares seront ceux qui tenteront d’analyser comment se structurent aujourd’hui, parallèlement au durcissement de la politique sécuritaire, une pensée et une action factieuses. Imaginons la discussion entre ceux qui laissent insulter publiquement la justice en oubliant toute détermination sociale aux problèmes posés et ceux qui le refusent, au sein même du camp progressiste ? Communistes et socialistes furent présents à la manifestation des policiers devant l’Assemblée nationale, le 19 mai, la France insoumise absente, les écologistes divisés.

À l’intérieur des familles politiques conservatrices, l’ambiance n’est guère meilleure. Au-delà des aspects électoraux, c’est aussi l’extrême-droite qui mène le bal et contamine les discours des prétendants. Un petit espoir est cependant en train de naître avec un Président américain qui multiplie les prises de position et les actes qui font avaler leur dentier à ceux qui n’ont toujours pas digéré leur défaite et, de désespoir, ont envahi le Capitole. Le néolibéralisme est-il en train de vivre ses derniers temps ? L’avenir proche nous le dira.

Comment pouvons-nous espérer nous ressaisir en attendant? En choisissant de revenir à la notion d’émancipation, en relançant la nécessité de coupler la liberté avec l’égalité, pour espérer réinstaurer une forme de fraternité. En acceptant de proposer un contre-agenda ; en luttant explicitement contre les hégémonies qu’on semble nous proposer, mais qu’en réalité on nous impose ; en lisant, en écrivant, en partageant, y compris sur ces réseaux dit sociaux qui n’ont peut–être pas que des défauts.

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