Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
À la découverte des Étrusques (éditions La Découverte, 2021) est incontestablement un livre d’historienne, mais présenté comme une sorte de spirale par laquelle, malgré le découpage en chapitres, on revient sans cesse à la question de la place des Étrusques dans la période du VIIème au Ier siècles avant notre ère, dans un espace géographique mouvant.
Proches des Romains qui finiront pourtant par les anéantir, en rapport avec les Grecs, situés sur une partie de l’actuelle Toscane, les Étrusques demeurent largement méconnus. Leur langue et leur alphabet ne sont que partiellement déchiffrés. Le corpus que l’on peut étudier comme le fait l'autrice vient essentiellement de ce que les archéologues ont découvert dans les nécropoles édifiées par les dominants et on ne sait pas grand-chose des paysans ou guerriers.
L’un des intérêts majeurs de cet ouvrage est de voir la manière dont l’histoire des Étrusques a été mythifiée et utilisée au cinéma, médium que Mussolini aura largement utilisé, sans oublier le film d’horreur. On croise également des pilleurs de tombes et des faussaires, mais l’on suit surtout l’évolution des connaissances sur le développement des comptoirs en Méditerranée. On a ainsi retrouvé des traces étrusques jusque dans l’actuelle Tunisie et en Corse.
Quant à l’origine des Étrusques, l’autrice refuse de poser la question, estimant à juste titre que comme leurs voisins, ils furent l’objet des mélanges, même si le nationalisme turc se piqua jadis d’être le lieu de naissance de cette civilisation à demi perdue. Il y eut douze cités étrusques - le dodécapole dont parlaient les Latins avec un vocable grec - entités qui ne parvinrent jamais au degré d’organisation qu’avaient acquis les Romains et même les Grecs ou les Puniques.
Il semble que la place des femmes, au moins dans la classe dominante qui est la seule à avoir laissé des traces, ait été plus importante que dans les civilisations voisines… ce qui contribua à donner de l’Étrurie une image de dépravation à la fois attirante et repoussante. Par exemple, les femmes étrusques mangeaient à table, les images en témoignent, ce qui ne manquait pas de choquer les Romains qui se faisaient servir.
L’ouvrage déroule une somme impressionnante de connaissances avec un grand nombre d’illustrations qui lui donnent un petit air de guide touristique haut de gamme. Mais il s’agit aussi et surtout d’un livre de référence dont les notes bibliographiques permettent à celles et ceux que le sujet intéresse de voir comment la mémoire souvent déformée des Étrusques s’est construite, surtout en Italie.
En résumé, ce livre, édité par La Découverte et vendu 23 euros nous offre un point d’étape de la recherche sur la langue, la religion et les mœurs d’une société dont Marie-Laurence Haack est une des rares spécialistes, en espérant qu’il reste encore des découvertes à faire, pour sortir d’un romano-centrisme qui permit à la fois de connaître et d’oublier des civilisations, et pas seulement celle des Etrusques.