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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« Le carré des indigents », de Hugues Pagan

Alain Bellet

Homme de mots, d’images, d’action et de mémoire, Hugues Pagan navigue dans le crime et les enquêtes criminelles sa vie durant, et comme cela ne lui était pas suffisant, il a côtoyé les Rois de France et leurs lieutenants de Police comme scénariste, usant de la langue du dix-huitième siècle pour les dix épisodes du flic des Lumières, Nicolas Le Floch, qu’il a adaptés des romans de Jean-François Parrot.

Auteur de romans noirs et de romans policiers publiés chez Rivages,  Ce dandy de noir vêtu mène une carrière l'amenant à se déplacer, le plus souvent en voiture décapotable, qui décoiffe quelque peu. Professeur de philosophie dans l’après-soixante-huit, puis près de vingt-cinq ans fonctionnaire de police dans les brigades criminelles, l’ex-inspecteur Pagan aime rajeunir.

Rajeunir dans son dernier roman, Le Carré des indigents, où son héros, récurrent d’un livre à un autre, mène une enquête lourde dans la pauvreté sociale des années Pompidou ; rajeunir dans l’impertinence de ton qui est la sienne quand il défend publiquement les Gilets Jaunes, notamment lors d’une conférence au festival Les Chemins de Tolérance, Les Lumières en Cévennes...

Hugues Pagan accroche son lecteur par son style épuré, une légère tonalité de blues insinuée dans les pages, une phrase triste égrainée comme la note lancinante d’une partition qu’il répète au fil de l’ouvrage, pour percuter de front la sensibilité des choses et des êtres. D’entrée, le personnage central se veut témoin de la noirceur du monde, où les vacheries s’accumulent contre les plus désarmés, rabougris dans leurs hésitations, prisonniers des injustices sociales. Il faut tenir, résister, et l’inspecteur principal des brigades de nuit qu’il fut jadis ne faisait pas de cadeaux. Novembre 1973. L'inspecteur principal, Claude Schneider revient dans la ville de sa jeunesse après un passage par l'armée et la guerre d'Algérie, dont il ne s'est pas remis. « Il consulta sa montre. On arrivait dans trente minutes. L’obscurité serait tombée. Il ne lui était pas indifférent d’arriver au début de la nuit. La nuit, la Ville l’attendrait avec ses lumières et ses grands bras glacés. Elle viendrait à lui et l’environnerait de toute part, comme une amante attentive et soucieuse, avec des ferveurs de chambre froide. Schneider connaissait la Nuit. Il connaissait la Ville. Il l’avait quittée, puis il était revenu. ». À peine installé à son nouveau poste, le policier désabusé et meurtri se trouve confronté à la disparition d’une jeune fille de quinze ans, Elisabeth. La fille d’un cheminot effacé préfère se nommer Betty et se rêve en maîtresse d’école. « Une maigre gamine au visage de chaton ébouriffé... » murmure-t-il  devant la photographie que lui tendra le père de l’adolescente, disparue, envolée après avoir rendu des livres à la bibliothèque. L’inspecteur Schneider la recherchera partout, persuadé de la réalité du drame.

Comme dans ses autres livres, Pagan s’attache aux personnes invisibles, aux chatons ébouriffés, écrasés, à peine évoqués dans les brèves d’une presse sans gloire, où Claude Schneider - et l’auteur lui-même qui ressemble tant à son personnage – font de la fonction policière un discret mirador chargé d’éclairer la noirceur sociale. Procédurier et enquêteur méticuleux, ce flic à l’âme bousculée bouclera son dossier, pour mieux repartir, solitaire, dans la galaxie des ombres...

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