Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
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Jean-Pierre Bacot
Le premier article de cette revue passionnante, publiée par les éditions de la Découverte, est signé François Bonnet. Il nous met en face d’une réalité : la nature du régime de Vladimir Poutine peut se discuter à l’infini, mais se résume ainsi : il s’agit d’un État criminel. Le petit nombre de hiérarques qui entourent le président russe se tiennent tous les uns les autres par des liens de famille et d’ « affaires ». Du coup, ce qui se joue aujourd’hui dans l’agression de l’Ukraine ou peut-être demain dans le Caucase est une histoire de brigands internationaux soucieux de se maintenir sans contestation intérieure ou extérieure. Par bonheur, si l’on peut dire, ils ne font pas toujours preuve d’une grande intelligence stratégique et tactique, et leur appareil, arsenal militaire compris, est passablement vieillissant, voire déliquescent.
Adrienne Surprenant nous propose ensuite un remarquable reportage photographique sur l’Ukraine, immortalisant « des déchirements partagés, des espoirs grelottants, des douceurs auxquelles une population en souffrance tente de se raccrocher ». Ensuite, Jean-Arnault Dérens et Laurent Geslin reviennent sur un thème qui commence à être bien documenté : la guerre des Églises orthodoxes, très respectées des deux côtés du front.
Hors dossier, plusieurs papiers nous éclairent sur des enjeux contemporains cruciaux. Yves Citron et Benoit Dubacq se demandent si la bio-ingénierie et les technologies en général, sont en état de sauver le progrès. Pour les auteurs, il ne s’agit pas seulement d’une sorte de greenwashing, mais d'un certain espoir, à la double condition cependant que les pays riches s’emparent de ces pratiques et qu'ils renoncent à une logique de propriété.
Erika Campelo a enquêté sur la manière dont les féministes du Brésil ont pu mettre en difficulté les conservateurs de leur pays. Une militante comme Marielle Franco, à la fois femme, noire, lesbienne et issue des favelas, aura eu un impact social énorme. Pour autant, l’autrice nous rappelle que neuf élues ont été assassinées entre 2016 et 2019, preuve de l’impact, mais aussi de la fragilité de ces personnages emblématiques face à un pouvoir aux abois.
Guy Lecerf Maulpoix s’attaque à un autre sujet d’importance, en se demandant « ce que les queers ont à dire à la technique », la technocratie étant à repenser à partir d’expériences minoritaires, alors que ceux qui sont à la tête de l’univers de l’évolution technique peuvent faire preuve d’une totale inhumanité.
Deux autres articles sont également proposés dans ce numéro. Dans le premier, Virginie Cresci étudie ce qui se passe dans la tête et le corps des personnes victimes de violences sexuelles et Sihame Assbague regarde comment Wikipédia aura réussi à neutraliser discrètement l’antiracisme, dans la mesure où les thèses de l’extrême droite se frayent un passage parfois à égalité de traitement avec l'antiracisme, au nom d’une sacro-sainte neutralité.
Cette revue semestrielle, l’une des plus intéressantes du paysage intellectuel francophone, coûte 15 euros, l’abonnement annuel étant de 30 euros, port compris. Comme le dit la revue d’elle même, « il s’agit (…) de fournir des analyses sur les tendances de fond de notre époque, mais aussi de les saupoudrer des piments nécessaires au plaisir de lire, d’apprendre et de transmettre ». Contrat rempli.
