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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Et si le travail, ce n’était plus la santé ? Les éclairages de la revue Aden et du roman Paresse pour tous d’Hadrien Klent (2/2)

Marc Gauchée

Les 20 et 21 septembre 2022, l’IFOP a mené une étude pour Solutions solidaires sur les valeurs des Françaises et Français. Et, à la question posée aux seuls actives et actifs : « quelle est la place du travail dans votre vie ? » , 7% seulement pensent qu’il incarne la chose la plus importante (1). En quinze ans, la priorité s’est inversée, désormais une majorité préfère avoir plus de temps libre que gagner plus d’argent. C’est dire l’actualité de deux ouvrages : la revue Aden (du Groupe interdisciplinaire d'études nizaniennes) dont c’est le 20e anniversaire, qui consacre son n°19 au thème « Allons au-devant de la vie ! La question des loisirs » et le roman d’Hadrien Klent, Paresse pour tous (Le Tripode, 2021).

Le roman d’Hadrien Klent vient apporter une touche contemporaine aux évocations des années 1930 de la revue Aden. L’histoire racontée est celle d’Émilien Long, un économiste, un temps professeur à Princeton puis revenu en France sur un poste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS). Il est le créateur d’un « modèle mathématique permettant d’étudier les évolutions de la productivité au cours des siècles passés », prix Nobel, il s’est installé dans la calanque de Sormiou à Marseille et vient de publier un livre sur le temps de travail : Travailler moins pour gagner plus. Le confinement l’incite à faire un « pas de côté », car il constate que le Covid-19 n’a pas remis en cause le productivisme. Il décide alors d’écrire un nouveau livre : Le droit à la paresse au XXIe siècle. Bientôt, à l’occasion de la promotion de son livre, il décide de se présenter à l’élection présidentielle de 2022. Le roman raconte les préparatifs, la campagne et... les résultats.

J’arrête là le récit pour éviter de divulgâcher les péripéties et les aventures que traverse le héros avec son équipe qui est loin de rassembler les traditionnels énarques de service et les incontournables cabinets de conseils intéressés. J’arrête là le récit pour m’intéresser au programme d’Émilien Long qui rejoint les plus belles pages sur les loisirs et leur utopie, rassemblées dans la revue Aden précédemment chroniquée.

Ce programme politique, intitulé « le temps de vivre » et décliné en « décroissance, temps libre, bénévolat », est directement inspiré du Droit à la paresse de Paul Lafargue (2) et d’un article de John Maynard Keynes, « Perspectives économiques pour nos petits-enfants » (3). Il part du principe qu’« en libérant du temps, on libère en réalité la possibilité pour des gens de faire des choses, de se consacrer à des choses ». Ainsi Émilien Long veut établir un temps de travail de 3h par jour, soit 15h par semaine et, éventuellement, changer la devise républicaine en « liberté, égalité, fraternité, paresse », car la paresse, « c’est se construire sa propre vie, son propre rythme, son rapport au temps - ne plus le subir ».

Comment ne pas adhérer au projet d’« une société où le travail devient une composante de la vie, et non plus son centre ». Finies ces années thatchériennes qui voulaient nous faire croire qu’il n’y avait pas d’alternative (4), ces années blairistes qui voulaient nous faire croire qu’il n’y avait plus de différence entre la droite et la gauche en économie (5) et ces années sarkozystes qui voulaient nous faire croire au travail comme seul horizon (6). Le roman d’Hadrien Klent nous extirpe ce ces années-là pour renouveler le champ des possibles, imaginer une alternative qui ne serait pas seulement une alternance et nous engager à confronter l’utopie à la réalité.

____________________

1. Patrick Cappelli, Les valeurs qui travaillent les Français, Libération, 18 octobre 2022.
2. 1880 pour la première édition.
3. 1930.
4. « There is no alternative » (TINA) était l’un des slogans de Margaret Thatcher, Première ministre conservatrice de la Grande-Bretagne de 1979 à 1990.
5. « La gestion de l'économie n'est ni de gauche ni de droite. Elle est bonne ou mauvaise... Ce qui compte, c'est ce qui marche » a dit Tony Blair, Premier ministre travailliste de la Grande-Bretagne de 1997 à 2007.
6. « Travailler plus pour gagner plus » était le slogan de Nicolas Sarkozy, Président de la République de 2007 à 2012.

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A
De fait les français veulent PROFITER. C'est un terme très important pour la publicité.<br /> Profiter c'edt sortir, consommer... qui produira, servira, lavera pour ces consommateurs n'est pas expliqué.<br /> Gloire au travail tant manuel qu'intellectuel.
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