Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Bon anniversaire à toute l’équipe de la revue noire de la part de la revue jaune Critica ! Cent numéros ! Par les temps difficiles qui galopent, cela devient une performance que de construire une telle collection. Ce numéro, qui est centré sur l’un des plus célèbres personnages de la littérature populaire que les fondateurs choisirent jadis pour nommer leur revue, marque pas moins d’un quart de siècle de recherche. Encore ne tient-on pas compte de cette sorte de préhistoire que constitua, avant Le Rocambole, la revue Tapis Franc. C’est Alfu (Alain Fuzelier), spécialiste reconnu de l’écrivain qui officie à la direction de ce numéro et résume en onze brefs épisodes toutes les aventures de son héros.
Lorsqu’il passa de vie à trépas, Ferdinand de Ponson du Terrail (1829-1871) avait construit une œuvre colossale qui faisait la fortune des journaux qui le publiaient, notamment la Petite Presse. Les éditeurs qui avaient fait leur pelote avec les aventures du personnage n’eurent aucun scrupule à demander à l’un des confrères de Ponson, Georges Grison, qui avait commencé sa carrière en Belgique, de rédiger de nouveaux épisodes à partir de notes posthumes qui, en fait, n’existaient pas. La veuve de l’écrivain, qui touchait des droits forfaitaires, ne s’y opposa pas et l’opération dura au moins cinq ans.
La diffusion internationale des aventures passablement agitées de Rocambole aura été impressionnante. Le n° 100 de la revue éponyme étudie plusieurs pôles de traduction et d’adaptation : le Portugal, l’Allemagne, la Russie, la Roumanie, l’Italie, la Grèce, la Scandinavie et l’Egypte. Une telle diffusion internationale pour la littérature populaire n’a sans doute qu’un équivalent, l'oeuvre de Jules Verne.
Les adaptations au théâtre, à la radio, à la télévision, au cinéma et en bande dessinée sont également scrutées dans le détail par Jacques Baudou, puis par Alfu, qui s’intéresse particulièrement au cinéma et Vincent Mollet au neuvième art.
Daniel Compère traite des faux Rocambole, que des plumitifs sans scrupule ont écrit pour surfer sur la vague, avant qu’Alfu n’étudie les bénéfices des éditeurs, notamment Dentu, lequel édita l’œuvre de Ponson du Terrail en une série impressionnante de volumes. Le même auteur nous rappelle ce que fut auparavant le rôle de la Petite Presse et du Petit Journal, créé pour ce dernier en 1863 par Moïse Milhaud, banquier et magnat de la presse, une publication à cinq centimes qui bouleversa le paysage médiatique et élargit considérablement le lectorat de la presse et par-là même de la littérature populaire.
In fine, Jean-Luc Buard nous parle de Paul Kauffmann, dessinateur alsacien qui fut le principal illustrateur des Rocambole et d’autres romans populaires et qui se rendit aussi célèbre dans le registre de la carte postale. L'auteur nous exhume également un article en forme de complainte versifiée, retrouvé dans ses archives, signé Pierre David, qui nous parle du Rocambole du dramaturge Roger Planchon, monté en 2000, à partir de la pièce créée au théâtre de l’Ambigu comique en 1864.
Numéro collector que ce centième opus, vendu 30 euros. Rappelons que l’adhésion à l’association des Amis du roman populaire, qui vaut abonnement annuel à la revue, est de 55 euros. Tout renseignement est à retrouver sur les nombreux sites que gère cette association on ne peut plus dynamique. L’abonnement donne accès à des centaines de textes mis en ligne. Une mine pour les chercheurs.