Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog

Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

« La vie têtue » de Juliette Rousseau

Julien Vercel

La narratrice de La vie têtue (éditions Cambourakis 2022) est la petite sœur, celle qui est passée « de l’humilité de la campagne à l’arrogance de la ville » puis est revenue vivre au hameau. Elle évoque sa grande sœur disparue, ses souvenirs dans ce village qui est « une périphérie. Une périphérie de périphérie. C’est le bout de la ligne de train, les confins du département, de la région » et, aujourd’hui, une campagne qui est devenue « le cul puant d’une usine infinie, où ce qui vivait disparaît peu à peu ».

Multipliant les formes, chapitres courts, poèmes, récits et apostrophes aussi, l’autrice s’adresse à sa grande sœur décédée d’un cancer rare. Elle était docteure en neurosciences, anorexique, mère d’un fils, séparée, car « tu as découvert que les hommes n’aimaient plus les femmes minces ou accomplies professionnellement. Même éduqués, même plus âgés, ils s’avéraient incapables de la reconnaissance dont tu avais tellement besoin ».

Plusieurs générations de femmes défilent dans des portraits particulièrement émouvants et sensibles, autant d’hommages aux victimes du patriarcat : de la grand-mère perdant un ovaire pour s’être auto-avortée avec une aiguille à tricoter - « l’avortement est un droit qui s’excuse d’exister, un vrai droit de femme » - à la mère violée régulièrement par son mari, médecin. Après la naissance de sa seconde fille, le mari décide tout seul de ligaturer les trompes de son épouse, or, 12 ans après, elle tombe à nouveau enceinte et accouche de la narratrice qui se « plaît à penser que nous sommes aussi les fruits de petites mutineries, signes manifestes qu’il est toujours possible de déborder ceux qui pensent nous vouloir du bien ».

La grand-mère comme la mère affirment ainsi n’avoir jamais aimé leur mari. Le mal se logerait donc dans la conjugalité, le couple et la maternité. Et puis la mort frappe les unes et les autres et « la mort a ce pouvoir, comme certaines séparations : elle efface ce qui s’est mal passé, et dore tout le reste, le baigne dans un soleil ardent. C’est sa façon de ne pas laisser oublier celles et ceux qu’elle nous enlève ». Depuis la mort de sa sœur, chaque année, la narratrice attend les hirondelles, « tant qu’elles reviennent, ta mort est une absence, mais pas une rupture. Le retour des hirondelles, c’est la vie têtue ».

Retour à l'accueil
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article