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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Inaliénable - Le théâtre contre la justice expéditive en comparution directe

Jean-Pierre Bacot

Ce que l’on appelle le théâtre d’intervention a fait l’objet de plusieurs recherches depuis des décennies. Revivifié par l’agit-prop russe dès 1916, il semble remonter, sous l’expression « théâtre documentaire », à 1835 dans La mort de Danton de Georg Büchner, aujourd’hui la plus connue des pièces sur la Terreur. Nous devons cette information à Dominique Paquet, comédienne et dramaturge.

Quoi qu’il en soit de cette généalogie, cette forme de théâtre semble aujourd’hui reprendre force et vigueur. En témoigne un spectacle que nous avons pu voir à Marseille, mais qui tourne en France autant qu’il peut. Inaliénable nous plonge, avec deux comédiens et une comédienne-metteure en scène, dans l’univers impitoyable des tribunaux, en particulier dans les situations de comparution directe. Les épisodes de révolte des gilets jaunes et des manifestations en 2022 ont inspiré le Cajac Crew qui nous présente trois moments largement inspirés de l’actualité. Pour les affaires médiatisées, les noms sont précisés, tandis qu’ils sont modifiés dans les autres, déontologie oblige.

La Ligue des Droits de l’Homme relaye ce spectacle qui s’inscrit dans ses préoccupations de maintien des règles du droit en des contextes souvent délicats de contrôle et de garde à vue, lesquels s’aggravent dans notre pays d’année en année. Le texte qui nous est proposé s’interroge sur la manière dont fonctionnent les tribunaux dans une logique répressive quasi automatisée, notamment face aux victimes de violences policières. Le spectacle, que l’on pourrait dire sans regard péjoratif, « de poche » (il dure une heure sur un espace restreint) est adaptable à bien des lieux.

Darky Boy, Bast et Esther Rapira campent à tour de rôle des fonctions de prévenu, d’avocat, de procureur et de président de tribunal. Esther Rapira est à la fois philosophe et sociologue. Elle a bien étudié sa question, Darky Boy ayant fonctionné comme une sorte de journaliste courant les salles de tribunal pour en tirer un miel militant. Quant à Bast, il campe par son physique et sa vêture une marginalité dont l’on peut supposer qu’elle fonctionne négativement dans l’imaginaire des gens de justice. Et c’est un bien imaginaire, autant qu’une idéologie, que ce trio essaye de retourner. Pour faire référence à Antonio Gramsci dans un contexte qui ne trahit pas celui où il écrivit ses pages aussi longues que lumineuses, il s’agit d’illustrer la nécessité d’une contribution au rétablissement d’une hégémonie culturelle, parallèlement à la lutte idéologique. N’hésitons pas à espérer que se passe dialectiquement. Il y a du pain sur les planches.

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