Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Sociologue bourdieusien, Gérard Mauger publie dans la collection Repères des éditions de La Découverte un petit livre très dense dans lequel il balaye les nombreux éléments qui ont animé le débat instauré dès avant Marx sur les classes sociales, leur définition, leur découpage, leur rapport de lutte ou de collaboration qu’elles entretiennent entre elles, la conscience que l’on peut en avoir. Gérard Mauger interroge tous les courants de pensée qui ont apporté leur pierre à un édifice, certes complexe, mais encore prégnant. Il demande également aux membres de sa discipline de partir du réel, aussi complexifié qu’il soit aujourd’hui par des préoccupations identitaires. L’apport de Pierre Bourdieu avec son livre la Distinction, en 1970, introduisant une dimension symbolique, a constitué une étape essentielle.
La lecture de ce livre est émoustillante, et elle nous amène à une réflexion. Quoi que l’on pense des classes sociales, de leur lutte et de la conscience qu’en ont les acteurs sociaux, il semble utile de savoir sur quel socle quantitatif repose l’édifice. L’auteur publie un document de l’INSEE de 2020 qui indique ce que représentent en France les catégories considérées comme pérennes.
Les agriculteurs exploitants sont en France 368 000, les artisans, commençants et chefs d’entreprise 1,8 million, les cadres et professions intellectuelles supérieures, 5,5 millions, les professions intermédiaires 7,03 millions, les employés 6,966 millions, les ouvriers 5,19 millions, pour un total de 26,99 millions de travailleurs actifs et cotisants, ceci dans une France de 67 millions d’habitants. Nous passerons ici sur la répartition femmes/hommes et par âge, pour noter quelques points saillants.
On parle souvent d’un gouvernement de la FNSEA. L’organisation du patronat agricole déclare 210 000 adhérents. Les couches modestes, les trois dernières citées dans notre énumération dépassent 19 millions d’habitants. Sachant qu’il y a aussi dans ce pays 17 millions de retraités, dont la moyenne des pensions dépasse à peine les 1.500 euros, on mesure la puissance financière et idéologique des classes dominantes, très minoritaires et on se doit d’intégrer une dimension agricole aux éléments classiques, industrielles, financiers et appareil d’État.
Dans un pays où les élections sont libres, il est donc évident qu’une part majoritaire des couches inférieures de la société vote pour les dominants et leurs représentants. On nous dira qu’il s’agit là d’un enfoncement de portes ouvertes, certes, mais connaître les nombres en jeu ne nous semble pas inutile. Les dominants sont extrêmement minoritaires.
L’intérêt de ce nouvel ouvrage de Gérard Mauger est de donner les outils pour maintenir dans nos réflexions sur la société, la notion de classe comme prioritaire par rapport aux déterminations ethniques, religieuses, les orientations sexuelles et la question du genre.
L’auteur détaille les caractéristiques sociales et culturelles des classes sociales, utilisant l’ensemble les apports récents en termes de typologies, structures des mobilisations, processus de transformations et il termine en analysant les quatre registres de la domination qu’exerce la bourgeoisie : économique, politique (violence physique et symbolique), idéologique (notamment contrôle des médias) et symbolique.