Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Publié par les éditions de la Découverte, ce livre convoque un grand nombre de textes littéraires et de films qui en ont été tirés, œuvres de fiction qui ont traité du problème de la population. Ce processus été justement appelé la « démografiction » par Anton Kuijsten, démographe néerlandais.
Jacques Véron, lui aussi démographe et Jean-Marie Rohrbasser, philosophe et historien des sciences, vont chercher leur corpus au-delà de la science-fiction, même s’ils ne l’excluent pas. Ils estiment que les dystopies qui parlent du vieillissement, de la dénatalité des migrations, de l’urbanisation, de la croissance mondiale, des épidémies, du dérèglement du climat, de la pollution et les situations infernales que les auteurs ed fictions décrivent, ne sont peut-être pas dépourvues de réalisme.
Les auteurs rappellent que lorsque Thomas R. Malthus publia en 1798 son Essai sur le principe de population, notre planète comptait moins d’un milliard d’habitants. En revanche, quand paraît en 1966, le roman Soleil vert d’Harry Harrison (adapté au cinéma en 1973 par Richard Fleischer), la situation de New-York était déjà démographiquement tendue.
Les écrivains et cinéastes extrapolent souvent les données actuelles pour en décrire un futur apocalyptique. Pourtant, le pire n’est pas toujours certain : la natalité se tasse sur une bonne partie du globe et du coup, le vieillissement des populations s’accroît. Le remède que constituerait la migration de personnes vivant dans un pays où les naissances sont nombreuses est parfois perçu comme un risque de déferlement, quand ce n’est pas de « grand remplacement ».
D’autres annoncent la fin de l’espèce. La servante écarlate de Margaret Atwood, parue en 1985, imagine une dégradation de l’environnement réduisant la fertilité des femmes. Eternity Express de Jean-Michel Truong, publié en 2003, met en scène des millions de retraités voués à la misère et envoyés en Chine. Nous ne détaillerons pas les dizaines de titres convoqués qui témoignent d’une richesse d’imagination autant que d’une forte inquiétude, et fonctionnent comme des sonnettes d’alarme. Cependant, on a parfois l’impression que la mention d’œuvres de fiction sert de prétexte à nos deux auteurs à des développements au demeurant passionnants sur l’état des recherches, notamment statistiques.
Aussi intéressant que soit cet ouvrage, et nonobstant ce bémol, il laisse deux questions pendantes. Les œuvres de fiction à dimension critique ne prêchent-elles pas que des convertis et ne font-elles pas preuve d’une rationalité inaccessible aux adeptes de cette post-vérité à laquelle adhèrent nombre de climato-sceptiques ou de partisans de la théorie du grand remplacement ?
Pour s’en tenir à la démographie, lorsque l’on sait que les Japonais savent qu’ils vont s’éteindre comme nation, comme culture, comme langue, tout en refusant jusqu’à ce jour la moindre immigration, à quoi sert-il de leur tenir un autre discours ? 95 millions d’habitants sont prévus en 2050 dans l’Empire du milieu, contre 128 millions en 2004. Là aussi, un sursaut est possible, mais la force de l’idéologie, en l’occurrence nationaliste, est forte, très forte et, quoi qu’en pensent et disent certains, on ne connaît pas le remède.