Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Ce livre publié par les éditions La Découverte dans la précieuse collection Zones, créée en 2007 par Grégoire Chamayou, se présente comme un dictionnaire alphabétique répertoriant des centaines de gestes d’interventions subversifs non violents. Ils se sont manifestés, depuis l’Égypte antique, nous signale l’auteur, mais surtout ces dernières années, dans une démarche rarement gratuite, féministe, environnementales ou autre.
Ces actions souvent spectaculaires étaient destinées à répondre à la violence des dominations, David contre Goliath. Comme dit l’auteur, il s’agit de détourner, infiltrer, parasiter, saboter, braconner, bricoler, afin de mettre les rieurs du bon côté de la force. Cela peut aller jusqu’à la revendication d’un tremblement de terre, le vote massif pour un rhinocéros dans une élection réputée inutile, ou le fait de s’inscrire par milliers à un meeting de Donald Trump et ne pas y venir pour faire parler l’orateur devant une salle à demi vide.
Martin Le Chevallier, né en mai 1968 (cela ne s’invente pas), est un artiste plasticien coutumier de ce type d’interventions. Il est allé lui-même à Bruxelles présenter en procession un drapeau européen prétendument miraculé, a réussi à installer un télescope touristique au dessus d’un supermarché et continue à proposer systématiquement des projets fous pour qu’ils soient refusés. Il a également souvent exposé et a publié de nombreux ouvrages.
On aura compris que l’humour et la dérision ne sont pas absents de la démarche et qu’ils permettent parfois une efficacité redoutable, d’autant que les médias ne rechignent que rarement à amplifier le signal, sans oublier le rôle des réseaux sociaux. Bien sûr, lorsque l’action s’effectue sous une dictature (printemps arabes, Belarus, Iran), le risque est grand que les puissants n’apprécient pas particulièrement. On ne sait quelle fut la réaction de Nicolas Sarkozy qui, ayant déclaré en 2007 qu’il représentait « la France qui se lève tôt », a généré des manifestations bruyantes à 6h30 du matin.
On ne lit pas un tel ouvrage de la première à la dernière page, on le picore et on peut imaginer pour soi-même des modes d’intervention non-violente, mais agissante. Comme nous vivons dans un moment où l’action revendicative, dans ses formes traditionnelles, ne semble plus opérante, pourquoi ne pas s’emparer de ces méthodes douces ? Encore faut-il faire preuve d’imagination. Kathleen Ritter, artiste de Vancouver, eut un jour une intuition géniale : les machos détestent les intellectuelles. Elle s’aperçut en effet que, quelle que soit la tenue qu’elle portait, il lui suffisait de se munir d’un livre pour ne pas être importunée. Il fallait y penser…