Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Jean-Pierre Bacot
Imaginons. Un romancier populaire du XIXème siècle se trouve propulsé à notre époque, grâce à l’invention d’un savant fou. Il tombe, dans une bibliothèque, sur la collection complète du Rocambole et est foudroyé par l’émotion. L’infatigable Président Daniel Compère et ses complices seront jugés et acquittés par un tribunal spécial.
Pour se venger, notre universitaire homme de mémoire vient de nous proposer un nouveau numéro passionnant de cette revue qu’il dirige. Il s’agit de tourner autour du personnage mille fois commenté de Sherlock Homes, créé par Arthur Conan Doyle (1859-1930) en 1887, avec son roman Une étude en rouge.
Tout en apportant quelques éléments sur la question jamais tranchée de la naissance du roman policier, ce numéro double 107-108 (automne-hiver 2024), propose essentiellement des travaux sur l’environnement romanesque du personnage, en remontant au début du XIXème siècle et la naissance de la figure de l’enquêteur qui pouvait être un policier, un journaliste, un magistrat, voire un parfait amateur.
Après une introduction de Daniel Compère et Jérôme Serme, André-Marc Aymé s’intéresse aux filiations de l’enquêteur à l’époque romantique, avant que Daniel Compère ne revienne sur les divers prédécesseurs du héros de Conan Doyle, entre 1850 et 1890, notamment un certain Jackal dans les Mohicans de Paris d’Alexandre Dumas et le « policier de génie » de Louis Jacolliot (1837-1890). Francis Saint-Martin présente une étude sur Nic Carter, figure du détective américain et Jean-Luc Buard un travail sur LT Meade (1844-1914), rivale oubliée de Conan Doyle. Jérôme Serne s’intéresse aux rivaux, émules, concurrents et successeurs français de Sherlock Holmes.
Suit une étude très fouillée de Jean-Luc Buard sur les déclinaisons allemandes de ce personnage. Un tel article souligne la dimension internationale des travaux d’érudition scientifiquement menés par la revue. Jérôme Serme insiste pour sa part sur deux rivaux, à nouveau Nic Carter et Harry Stilson.
Jacques Baudou signe les deux derniers articles de ce dossier, avec tout d’abord deux héroïnes féminines de Conan Doyle, Irène Adler et Mary Russel. Le même auteur termine par une analyse de la série Elementary, de Robert Doherty, dotée de six saisons et demie, diffusées par CBS entre 2012 et 2019 (143 épisodes).
Notons que la revue évolue très légèrement dans sa forme, avec les titres des articles Varia, qui figurent désormais en couverture.
Il s’agit en l’occurrence d’un article de Laurent Bihl dédié à Bertrand Tillier sur les images du personnage de Rocambole de Pierre-Alexis de Ponson du Terrail à l’époque du french cancan, portraits imaginaires et caricatures.
Hommage est enfin rendu par Louise Froidevaux à Raymond Tournon, peintre et illustrateur populaire (1870-1919), avec un inventaire complet de ses œuvres.
La revue propose également un bonus sous forme d’un dictionnaire alphabétique de quarante pages, qui a mobilisé toute l’équipe et quelques renforts. C’est le cinquième opus de la série « Rétrofictions » qui fait le bilan des recherches sur les auteurs et illustrateurs issus des limbes.
Signalons aussi des précisons sur la vie et l’œuvre d’Arnould Galopin, auteur populaire prolixe (1863-1934), par Pierre Chevallier. Quant au conte, qui traditionnellement termine chaque numéro de la revue, il s‘agit cette fois-ci du phrénologiste de HR Addison (1838) choisi par André-Marc Aymé. N’oublions pas le 13ème épisode du « coin des pseudonymes et autre compléments biographiques » de Patrick Ramseyer.
Quant à la rubrique « Front populaire », dédiée aux notes de lecture, elle comporte un long texte d’Isabelle Rachel Casta sur l’étude très foulée consacrée par Martine Kahane au Fantôme de l’opéra de Gaston Leroux et deux notes de Daniel Compère sur les Mystères du peuple ou Histoire d’une famille de Province d’Eugène Sue et les débuts de l’écrivain (1825-1830), deux sommes que Jean-Pierre Galvan vient d’éditer chez Honoré Champion.
Nous indiquerons in fine que Le Rocambole va proposer en 2025 aux abonnés qui choisiront une formule enrichie deux numéros hors-série. Le premier sera consacré à un « polar d’antan » : Le drame de la rue de la paix d’Adolphe Bélot et son adaptation théâtrale, avec un dossier concocté par Jean-Luc Buard.
Autant dire que, malgré les difficultés que traverse le monde des revues au sein d’un phénomène général de désaffiliation et de crise du papier, Le Bulletin des Amis du Roman Populaire persévère, en même temps qu’il poursuit la mise en ordre de ses archives à la bibliothèque d’Amiens.