Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
La Charte Compact, le premier Grand Chapitre est Modern.
C'est le 22 Juillet 1766 qu'a été créé, à la taverne du Turc[1] dans Gerrard Street, à Soho, le premier Grand Chapitre de l'Arche Royale. Pour ce faire, les membres d'un chapitre indépendant se sont réunis à Londres afin d'établir ce que l'on nomme la Compact Charter. Ils procédèrent ainsi à la création de l'Excellent Grand Chapitre de l'Arche Royale (Excellent Grand and Royal Arch Chapter), avec Cadwallader, neuvième Lord Blayney, à sa tête.
Cet événement étonnant est bien connu par le fait que les chroniques en ont été conservées. On peut y constater que ce Grand Chapitre Général était une fondation à l'initiative des maçons Moderns ! Ce qui n'a rien de surprenant puisque, nous l'avons déjà vu avec la création de 1717, la principale manie des Moderns est de créer des Grandes Loges hégémoniques. On retrouve dans cette création, pêle-mêle, un certain nombre de maçons notoirement connus à l'époque pour être ou avoir été Grands Officiers, outre Lord Blayney, Grand Maître de la Grande Loge des Moderns, lui-même, il y avait Dunckerley, fondateur de la maçonnerie de Marque, Galloway et French, entre autres, mais aussi, William Heseltine, le Grand Secrétaire de la Grande Loge de Londres en personne. Celui-là même qui continuait de clamer à qui voulait l'entendre que l'Arche Royale n'était en aucune manière un élément de la franc-maçonnerie régulière. Mais Heseltine n'en était pas à une contradiction près.
Certes, la notification de la Charte Compact peut être présentée comme une falsification destinée à la hiérarchie de la Grande Loge, mais qu'importe, à cette époque, les maçons de 1717 étaient déjà convaincus de l'existence du grade, surtout les affiliés, et cette création fut plutôt bien accueillie. C'est, en fait, à partir de ce moment, que la Première Grande Loge prit définitivement les mesures qui lui permettraient de devenir autre chose qu'un club et de s'inscrire dans la lignée de la maçonnerie spéculative telle que se la représentaient les Ancients. Avec la création de ce Grand Chapitre par des Moderns, Dermott s'est vu privé de toute initiative. La nécessité subséquente pour accroître le nombre de membres Ancients parmi les Compagnons de l'Arche fut la décision, qu'ils prirent en 1771 de constituer une anomalie maçonnique, créer un Grand Chapitre indépendant et spécifique aux Ancients.
Cette construction n'était, alors, ni logique, ni nécessaire, dans la mesure où le premier Grand Chapitre de Lord Blayney s'était déclaré ouvert et accueillait tout le monde. Après tout, les patentes de Blayney lui avaient été amenées par des Ancients, et l'Arche Royale pouvait faire partie de la Maçonnerie, dès lors qu'un Grand Maître la présidait. La Compact Charter entérinait cet état de chose et il n'y eut aucune différence revendiquée dans la pratique du rite. Il s'agissait seulement d'un transfert de compétences. Car aujourd'hui, en Angleterre, le Premier Grand Principal du Suprême Chapitre de l'Arche Royal est le Grand Maître de la G. L. U. A., actuellement Son Altesse Royale, le Duc de Kent, époux de la Reine Élisabeth II.
Il était, cependant, nécessaire, à l'époque, pour Dermott, de contester la mise en place d'un Suprême Grand Chapitre sans lui, puisqu'il avait été le chef de file de ceux qui en revendiquaient la pratique depuis toujours. Cependant, cette construction n'était pas, à cette date, nécessaire, dans la mesure où le premier Grand Chapitre de Lord Blayney s'était déclaré ouvert et accueillait tout le monde. Après tout, les patentes de Blayney lui avaient été amenées par des Antients[2], et l'Arche Royale « faisaient partie de la Maçonnerie ».
Laurence Dermott, alors Grand Maître adjoint des Ancients, en profita pour exprimer ses préoccupations quant au développement de la maçonnerie de 1717, particulièrement en ce qui concernait l’accès de ses membres au degré de l'Arche, comme il l'avait déjà fait dans le premier livre de l'Ahiman Rezon. C’est le 5 Novembre 1783, les résolutions de la Grande Loge des Antients, déjà annoncées en 1771 et relatives à l'Arche Royale furent confirmées lors d'une réunion spéciale des Compagnons de l'Arche durant laquelle une décision particulièrement importante fut prise, à savoir qu'il ne pouvait y avoir aucune instance supérieure au Grand Chapitre de l'Arche Royal, de quelque nature maçonnique que ce soit, et que cette décision serait transmise aux Grandes Loges. Le seul problème était que ce Grand Chapitre des Ancients, auquel ils faisaient référence, n'avait jamais été régulièrement promulgué, ni véritablement institué. Aucun officier n'avait été nommé à sa tête pour le faire fonctionner et il n'avait pas, non plus, de trésorier, donc... pas de finances... donc, pas de Grand Chapitre... Restait alors en lice : Lord Blayney.
Dès sa création, l'Excellent Grand Chapitre de l'Arche Royale de la charte Compact, géra ses Chapitres et se mit à délivrer ses certificats en toute autonomie. A l'image du fonctionnement de la Grande Loge, chaque entité disposait d'un numéro d'ordre correspondant à sa patente et à sa date d'enregistrement. Chaque chapitre était lié à sa Loge bleue, en adoptait le nom, mais était doté d’indépendance et n'était plus contraint à ne recruter ses membres uniquement dans cette Loge fondatrice. On retrouve d'ailleurs, en héritage, aujourd'hui, une attitude similaire concernant les différents Ordres regroupés, par genres, au sein des side degrees. C'est notamment le cas pour le Grand Conclave des Chevaliers Templiers auquel l'Arche Royale donne accès.
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La Charte Compact était bel et bien un contrat d'intégration qui préfigurait la fondation de la Grande Loge Unie. En 1813, lorsque fut établi l'acte d'union, il fallait trouver un terrain d'entente entre une maçonnerie florissante, celle des Ancients et les quelques loges encore présentes sur les rôles de la franc-maçonnerie de 1717 qui avait perdu près de 60% de ses adhérents. Les Moderns avaient exporté avec bonheur leurs pratiques syncrétistes sur le continent et aux Amériques d'où elles étaient revenues en 1801 sous la forme du rite Écossaise Ancien et Accepté (scottish rite).
D'une maçonnerie complexe formée selon un modèle unifié et intégrant l'Arche Royale comme le chapeau du parcours, la GLUA ne conservera que le principe d'une structure à trois degrés et n'admettra l'Arche que sous la forme de complément. C'est cette forme que la structure s'est développée comme modèle représentatif de la morale sociale britannique. Il est normal, dès lors, que les instructions maçonniques précisent, au moment où le Vénérable demande à l'Apprenti :
« A quelle heure s'effectuent les travaux ? » :
R - A l'heure où le soleil est à son méridien.
Q - Dans ce pays-ci, la tenue des travaux Maçonniques a lieu le plus souvent dans la soirée. Comment expliquez-vous votre réponse qui semble à première vu paradoxale ?
R - Puisque la Terre tourne constamment sur son axe dans son orbite autour du Soleil, et que la Franc-maçonnerie est répandue sur toute sa surface, il s'ensuit nécessairement que le Soleil est toujours à son méridien par rapport à la Franc-maçonnerie.
Souvenons-nous que la franc-maçonnerie anglaise reste le modèle de la morale sociale de l'Empire et que le soleil ne se couche jamais sur l'Empire Britannique. Sur le Continent, le problème se joue différemment, principalement en France où la pratique moderne reste vivace. Les conflits se joueront principalement, à cette époque, entre les Loges de Rite Moderne, que l'on nommera bientôt, Français; essentiellement adhérentes du Grand Orient de France, et héritières de la méfiance des français envers les anglais et celle de Rite Écossais Ancien et Accepté, porteuse d'une culture à vocation pyramidale. Mais c'est surtout avec la forme germano-savoisienne issue de l'influence des disciples bavarois d'Adam Weishaupt, infiltrés au Convent de Wilhelmsbad, et d'un farouche intégrisme religieux, porté par les dévots contre-révolutionnaires, hérité de l'influence de Joseph de Maistre sur les Lyonnais que les méfiances se concrétisent.
[1] Ne pas confondre avec Turk's Head qui ne se trouvait pas dans le même quartier.
[2] On notera ici, et c'est un élément extrêmement important, qu'à cette époque, les patentes n'étaient pas Obédientielles. Tout Maître Maçon disposant du Grade pouvaient le transmettre s'il était théoriquement en mesure de prouver le bien fondé de son acte.
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