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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Images du maçon dans le cinéma français 1/4

Celui qui accuse, celui qui encense et celui qui en rit

 

Très peu de films français évoquent explicitement la franc-maçonnerie ou mettent en scène un personnage maçon. Surtout si la notion de « film français » s'entend avec le double critère cumulatif d'une participation à la production et de l'utilisation de la langue française. Ce qui écarte les films comme Le Guépard (Il Gattopardo de Luchino Visconti, 1963) comme tous ceux où des sociétés françaises sont en coproduction dans des longs métrages en langues italienne, anglaise ou américaine et qui, pourtant, comportent une citation ou un personnage maçons. En fait, seulement trois films répondent au double critère : L'Âge d'or de Luis Buñuel (1930) ; Z de Costa-Gavras (1969) et Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1981).

Concernant l’image générale de la franc-maçonnerie, Coup de torchon et Z témoignent d’opinions opposées, tandis que L’Âge d’or joue la carte de la parodie.

Coup de torchon se passe en Afrique occidentale française entre juillet et octobre 1938 et raconte comment Lucien Cordier (Philippe Noiret), chef de la police locale, faible et humilié, se lance dans une justice expéditive et meurtrière. La franc-maçonnerie est évoquée dans la description peu sympathique que Lucien donne de son père : « Il est comme ces gens qui cherchent toujours une solution à leurs problèmes, qui mettent tous leurs ennuis sur le dos des Juifs ou bien des francs-maçons sans comprendre que si on veut savoir pourquoi ça tourne pas rond, en supposant qu'il y ait vraiment une raison, et bien ce qu'on trouvera ce n'est pas une seule raison, mais mille raisons ».

Bertrand Tavernier situe l’action de son film pendant la crise tchécoslovaque en Europe. C'est pendant cette année 1938 que la Guerre d’Espagne se poursuit, que les nazis réalisent l'Anschluss en mars (le rattachement de l'Autriche à l'Allemagne) et qu’Hitler veut s’emparer des Sudètes pourtant tchécoslovaques, bref que les menaces de guerre enflamment le débat public en France, mènent à la mobilisation partielle en septembre, mais se concluent, provisoirement, par la conférence de Munich où les démocraties laissent Hitler démembrer la Tchécoslovaquie.

En citant seulement les « juifs » et les « francs-maçons », Bertrand Tavernier ne reprend que deux des quatre « états confédérés » vilipendés par Charles Maurras, il ne fait pas citer les « protestants », ni les « métèques ». Ce choix peut s’expliquer par un souci d’efficacité : seules les accusations contre les Juifs et les francs-maçons sont restées dans la mémoire collective. D’autre part le père Cordier n’apparaît pas à l’écran et son évocation ne sert qu’à mieux comprendre ce que fut la culture politique dans laquelle a baigné Lucien. Il s'agit seulement de typer un individu en reprenant les accusations rituelles portées contre les loges par l’extrême-droite.

Z, film qui se passe dans les années 1960, présente un changement radical d’image pour la franc-maçonnerie. L’histoire est inspirée de l’assassinat, en 1963, du député grec Grigoris Lambrakis par l’extrême-droite, avec la complicité des forces de l’ordre. D’ailleurs, un carton au début indique : « Toute ressemblance avec des événements réels, des personnes mortes ou vivantes n'est pas le fait du hasard. Elle est volontaire ». Désormais, l’accusation a changé de camp puisque le réquisitoire de Costa-Gavras vise à démonter la mécanique d’un complot, non franc-maçon, mais policier, qui devait mener la Grèce à la dictature des colonels à partir de 1967. De plus, autre différence importante avec Coup de torchon, Costa-Gavras n’hésite pas à incarner le maçon dans un personnage qui se revendique comme tel (Maurice Baquet). Mais, comme dans le film de Bertrand Tavernier, il est intéressant de noter que le rapport à la franc-maçonnerie suffit à typer, à caractériser le personnage : négatif d’un côté (le père de Lucien Cordier rendant forcément responsables les francs-maçons de tous les malheurs du pays) ; positif de l’autre (le maçon de Costa-Gavras que le spectateur ne connaît qu’ainsi, s’engage forcément auprès de la justice et du député (Yves Montand).

« L’homme » (Gaston Modot) dont on suit les péripéties dans L’Âge d’or ne se dit pas « maçon » explicitement, mais certains indices plaident en ce sens. En fait, lorsqu’il est arrêté par la police, il sort plusieurs papiers dont un diplôme. Il affirme qu’il a été nommé « Haut délégué » par « l'Assemblée internationale de bienfaisance » qui lui a confié une « haute mission de bienfaisance ». Les signes de la parodie sont multiples, mêlant franc-maçonnerie et diplomatie internationale : le diplôme exhibé comporte des symboles maçonniques (les deux colonnes et le pavé mosaïque) ; tout est qualifié de « haut » dans la bouche du président de « l’Assemblée internationale de bienfaisance » ; l’homme récite le discours de sa nomination aux policiers en chantonnant avec ironie ; d’ailleurs, on apprend plus tard que des vieillards, des enfants, des femmes sont morts, ce qui relativise pour le moins la soi-disante « bienfaisance » de la mission qui lui a été confiée ; enfin, devant le (« haut ») grade de l’homme, les policiers le laissent partir ! Dans le film de Luis Buñuel, la franc-maçonnerie n’est qu’un élément, avec la police, la noblesse, l’Église..., de cette morale bourgeoise qu’il faut subvertir.

Ces trois films livrent, dans des styles très différents, trois images de la franc-maçonnerie. Il y a celui qui l’accuse (Coup de torchon), celui qui l’encense (Z) et celui qui en rit (L’Âge d’or). Au-delà de cette image générale, ces films abordent, à leur façon, les thèmes du dévoilement, de l’ordre et de la religion.

... à suivre

Images du maçon dans le cinéma français 1/4
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A
Il existe aussi un film de Laurel et Hardy où les deux compères prétendent à leur femme qu'ils vont à un congrès de Shriners, si mes souvenirs sont bons, société para maçonnique américaine, pour aller faire la java.<br /> Avis aux érudits
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J
Il s'agit de Sons of the désert 1933 de Lloyd French et William Seiter... Mais c'est un film americain. Je reviendrai sur le cinéma us plus tard dans la revue.
C
Les Compagnons de la Nouba