Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Bien des ouvrages ont été commis sur ces batailles où les armées françaises ont connu des fortunes diverses et il faut s’attendre autour de juin 2015 à un déluge de publications et de produits audiovisuels pour augmenter la collection à l’occasion du bicentenaire de celle de Waterloo. Quant au rôle que des militaires francs-maçons ont pu tenir dans ces combats, bien des légendes ont couru. Jean Van Win qui arrive en avant-garde avec ce livre leur tord le cou, en même temps qu’il documente finement la question, étant allé rechercher dans les témoignages écrits par les officiers lettrés, mais aussi par « les petits, les obscurs, les sans-grades » rendus célèbres par la tirade du soldat Flambeau dans l’Aiglon d’Edmond Rostand[1], les traces de ces moments de grâce, à tous les sens du terme, que des rencontres fortuites entre membres d’une maçonnerie qui n’était pas alors divisée, ont pu illustrer. Dans tous les cas, il semble qu’il se soit agi d’un adoucissement des conditions de traitement des prisonniers, dès lors qu’ils étaient reconnus comme maçons, les ennemis redevenant adversaires, mais non de cas de « fraternisation », au sens où on a pu les repérer, sans aucune notion d’appartenance philosophique, pendant la Grande Guerre. Fort peu enclin à participer de la gloire des généraux et maréchaux, voire de l’Empereur, l’auteur nous rappelle au passage ce que les combats ont pu avoir de sauvage. Préfacé par Roger Dachez qui rappelle ce qu’ont été les loges militaires, cet ouvrage est publié par les éditions Racine à Bruxelles. Après nous avoir montré ce qui se passait dans cette ville au début de 1815, avant la bataille, alors qu’y campaient Français légitimistes, Anglais, hollandais, Prussiens, Hanovriens, l’auteur s’interroge in fine sur le fait que le fameux « signe de détresse » tombe de fait en déshérence, les guerres modernes mettant rarement en face des combattants en état de le produire. On ne mettre pas sur le même plan, eu égard au respect dû à ceux dont Van Win nous rappelle le souvenir, les combats de chiffonniers de ce que les historiens, appelleront plus tard, la « Guerre de la Régularité », laquelle sévit en ce début du XXIe siècle et, époque oblige, se déroule en partie sur le terrain virtuel. Dix-huit mois après la naissance de la Grande Loge Unie d’Angleterre, on était loin du jeu de rôle…
A l’heure où l’on commémore le centenaire du déclenchement des hostilités qui deviendront mondiales, il n’est pas inutile de se souvenir qu’un siècle plus tôt, finissait une période d’affrontements meurtriers et que, déjà, face aux grands mouvements de l’histoire, la franc-maçonnerie ne parvenait pas à influer sur le cours des événements ; tout juste pouvait-elle en adoucir certains aspects, ce que ce livre nous rappelle utilement.
[1]« Et nous, les petits, les obscurs, les sans-grades; Nous qui marchions fourbus, blessés, crottés, malades, Sans espoir de duchés ni de dotations ; Nous qui marchions toujours et jamais n'avancions ; Trop simples et trop gueux pour que l'espoir nous berne. De ce fameux bâton qu'on a dans sa giberne ; Nous qui par tous les temps n'avons cessé d'aller, Suant sans avoir peur, grelottant sans trembler, Ne nous soutenant plus qu'à force de trompette, De fièvre, et de chansons qu'en marchant on répète ; Nous sur lesquels pendant dix-sept ans, songez-y, Sac, sabre, tourne-vis, pierres à feu, fusil, - Ne parlons pas du poids toujours absent des vivres ! - Ont fait le doux total de cinquante-huit livres ; Nous qui coiffés d'oursons sous les ciels tropicaux, Sous les neiges n'avions même plus de shakos ; Qui d'Espagne en Autriche exécutions des trottes ; Nous qui pour arracher ainsi que des carottes .Nos jambes à la boue énorme des chemins, Devions les empoigner quelque fois à deux mains; Nous qui pour notre toux n'ayant pas de jujube, Prenions des bains de pied d'un jour dans le Danube ;
Nous qui n'avions le temps quand un bel officier Arrivait, au galop de chasse, nous crier : "L'ennemi nous attaque, il faut qu'on le repousse !" Que de manger un blanc de corbeau sur le pouce, Ou vivement, avec un peu de neige, encor, De nous faire un sorbet au sang de cheval mort; Nous qui, la nuit, n'avions pas peur des balles, Mais de nous réveiller, le matin, cannibales ; Nous qui marchant et nous battant à jeun Ne cessions de marcher que pour nous battre, - et de nous battre un contre quatre, Que pour marcher, - et de marcher que pour nous battre, Marchant et nous battant, maigres, nus, noirs et gais... Nous, nous ne l'étions pas, peut-être, fatigués ?"