Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
La maçonnerie en marge de l’ordre, pas du pouvoir
Julien Vercel
Seulement trois films français mentionnent un maçon : L'Âge d'or de Luis Buñuel (1930) ; Z de Costa-Gavras (1969) et Coup de torchon de Bertrand Tavernier (1981). Ils relient tous la maçonnerie au pouvoir à défaut de la relier à l’ordre...
L'Âge d'or déclencha de telles manifestations d’hostilité en salles à Paris en novembre 1930 que le film fut interdit dès le mois de décembre. La charge surréaliste contre la morale bourgeoise et en faveur de l’amour est portée par le personnage de « l’homme », celui que l’on soupçonne d’être franc-maçon. Et la subversion est permanente. Subversion quand il gifle, lors d’une réception donnée par l’aristocratie, une marquise qui lui a renversé un verre qu'elle lui avait pourtant servi. Subversion quand, évocation des scandales auxquels des maçons ont été mêlés entre 1918 et 1939, le ministre de l'Intérieur traite l’homme de « Ruffian, canaille » et l’accuse : « Vous êtes le seul responsable et l'assassin, mais vous m'avez compromis aussi, misérable », puis évoque ses victimes et passe au tutoiement « Tu m'as déshonoré avec toi, assassin » avant de se suicider et quand l’homme conclut : « Tu peux crever, je m'en contrefous ».
Le rapport avec l’ordre est aussi sous le signe de l’opposition dans Z puisque le personnage du maçon soutient le député de l’opposition et aide le procureur dans son enquête pour démontrer le complot de la police et de la gendarmerie. Cet engagement du maçon ne soulève pourtant pas de remarques particulières de la part des comploteurs qui préfèrent se focaliser sur les « Juifs ». Le général de la gendarmerie (Pierre Dux) affirme qu’il faut surveiller l’avocat (Charles Denner), ami du député, en insistant sur le fait qu’il est juif. Plus tard, quand il est inculpé et qu’un journaliste lui demande s’il se compare à Dreyfus, le général répond : « Mais Dreyfus était coupable ! ».
Enfin dans Coup de torchon, il suffit simplement de rappeler que la maçonnerie est rendu responsable de « tous les ennuis ».
La maçonnerie est ainsi toujours présentée en lien avec le pouvoir soit en l’exerçant dissimulé ou par influence (L’Âge d’or et Coup de torchon), soit en s’y opposant (L’Âge d’or encore et Z). Son rapport à l’ordre est donc marqué par la marge, d’autant plus que le pouvoir comme l’ordre sont liés à la religion.
... à suivre