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Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.

Vous avez dit « Les Républicains » ? Une histoire toute prête à bégayer (2/2)

Vous avez dit « Les Républicains » ? Une histoire toute prête à bégayer (2/2)

Adon Qatan

Ces mêmes fonctionnaires de terrain que leur propre hiérarchie s'efforce donc de métamorphoser en mercenaires, sont d'ailleurs souvent surpris par les réactions (c'est le moins que l'on puisse dire) d'« incivisme moral » des contrevenants sympathisants (« bourgeois ») de l'ex-UMP, qui, avant 2007, menaçaient d'une « révolution » –après s'être exclamés « pays de merde ! »– et qui ont actuellement repris la même antienne. Cet exemple est éminemment révélateur et nous rappelle la propagande sarkoziste symboliquement contradictoire mêlant les références à Jaurès, à Guy Môquet, à la Résistance...

Mais que nous promettent ces gens exactement ? « La révolution ! » Mais quelle révolution ? Celle des nantis, des rentiers, des riches industriels, des traders, des banquiers, des mafieux et des commerçants de luxe ? Ligués contre l'État, le reste de la société et le corps social intermédiaire (qui est aussi une âme collective) de la République/chose publique ? Une superbe révolution conservatrice, ultralibérale, littéralement à rebours, mais pour aller où ? Qu'elle est leur « utopie », leur projet de nouvelle « République » (« nouvelle République », qu'est-ce que c'est beau !) ? Eh bien, justement, c'est qu'il y ait le moins de République (et de son garant, l'État) possible !

Leur « pseudo-République » ou « sous-République », c'est l'union concurrentielle de tous les intérêts privés (principalement des grandes entreprises, des banques, des mafias et des milliardaires), ce qui n'est précisément pas la République, aboutissant donc à une nouvelle forme de féodalité oligarchique pleinement ploutocratique. Telle serait leur société idéale basée sur la liberté totale et absolue du plus riche contre celle des autres, engendrant et se fondant à la fois sur l'inégalité sociale et légale intégrale, et la dissension générale : bref, l'inversion décomplexée de notre devise républicaine.

Peut-on imaginer cela ? Notre pays redécoupé en différents territoires privés, pourvu chacun de sa milice privée, sous le contrôle d'un oligarque ou d'un autre. Certains diront que ce qui reste de l'État dans un tel système aura un rôle fédérateur (et pourquoi pas régulateur !), comme la royauté de l'Ancien Régime !

On comprend à la fois la fascination habituelle pour le modèle américain, et celle plus récente pour la merveilleuse Russie poutinienne –Sarkozy s'était même fendu une fois, il y a quelques années, d'un aveu d'admiration pour le « dynamisme chinois »... au prix d'une tyrannie impitoyable et de l'esclavage de plusieurs milliers de travailleurs ? D'un système antihumain ? On comprend aussi en quoi cette « utopie » peut constituer une réponse « satisfaisante » face à un brusque réchauffement climatique et une soudaine immigration mondiale venant de l'hémisphère Sud. On saisit l'articulation parfaite entre la droite et l'extrême-droite, l'alliance du sybarite et du mercenaire, l'harmonie entre les riches et les violents... une pure merveille d'inhumanité, somme toute habituelle surtout pour des conservateurs !

Or donc, en poussant le capitalisme/libéralisme jusqu'à ses ultimes extrémités, on peut voir –sans coup faillir– où cela nous mènerai et ce n'est certainement pas en République et encore moins en République française. Car nous oserons encore déclarer une évidence perpétuellement oubliée : il n'y a pas 36 modèles de République française, ou plutôt, on ne peut pas impunément prétendre à 36 variantes différentes de République française (quoi que nous laisse croire le pluralisme démocratique), mais cette dernière est belle et bien unique en son genre avec ses propres tenants et aboutissants invariables, son utopie pérenne et universaliste (à l'instar d'ailleurs de la franc-maçonnerie française prétendument « irrégulière »), et tous ses citoyens doivent faire avec, c'est la garantie de notre cohésion sociale, du « vivre-ensemble », de notre contrat social. Réjouissons-nous, contrairement à d'autres traditions politiques, ce contrat est humaniste, cosmopolite et progressiste ! Mais pour combien de temps ?

Pour en revenir à cette nouvelle dénomination, de son opportunité propagandiste dont on peut mesurer l'ampleur du cynisme, de la forfaiture et du manque de scrupule (entre autres la fameuse « captation d'héritage »), il faut reconnaître que l'UMP ferait mieux de se trouver un autre nom correspondant mieux à sa nature, plutôt que de chercher à tromper le monde. D'ailleurs quelle confusion pour l'instruction et l'éducation des générations futures ! Comment expliquer à un enfant, à qui on doit inculquer le civisme, que la République française ne se réduit pas au parti dit de « Les Républicains » ? Qu'il existe d'authentiques républicains français qui sont bien loin d'appartenir à « Les Républicains » ?

Enfin, deux dernières remarques philologico-comiques nous viennent à l'esprit. Sachant que Nicolas Sarkozy n'est pas réputé être un grand spécialiste de la langue française, il y a lieu de se demander sérieusement s'il connaît l'étymologie réelle du mot « République » (de toute manière un peu trop « communiste primitive » cette « chose publique », non ?) ou s'il ne se fierait pas à une certaine étymologie populaire qui prétend que « ré-publique » c'est le roi (« ré ») devenu publique ou que le public c'est le roi. Belle confusion des genres entre démocratie et République, avec le monarque en prime et un côté poujado-populiste dans « le public (le client ? le spectateur ? le client-spectateur ?) c'est le roi ».

Remarquons enfin que nous avons affaire à un horrible barbarisme, car il ne s'agit pas du parti des « Républicains », mais bel et bien du parti de « Les Républicains ». Cela est-il de la bonne langue française ? À moins que... à moins qu'il faille orthographier « Lès Républicains », avec cette préposition désuète (encore présente en toponymie) « lès » qui remonte au latin latus « côté », signifiant donc « à côté, près de ». Et en effet, les UMPistes ne sont-ils pas finalement, dans leur essence profonde, « à côté » de la République française ?

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