Blog d'étude critique et académique du fait maçonnique, complémentaire de la revue du même nom. Envisage la Franc-Maçonnerie comme un univers culturel dont l’étude nécessite d’employer les outils des sciences humaines, de procéder à une nette séparation du réel et du légendaire et de procéder à la prise en compte de ce légendaire comme un fait social et historique.
Julien Vercel
Alors que l’on peut déplorer des stratégies souvent paresseuses, il faut reconnaître que la tactique a tendance à envahir les discours et les images politiques. Dans un récent article paru dans Le Débat (« Réflexions sur la crise du politique », n° 184, 2015), Gilles Finchelstein analyse notamment les causes de cette invasion de la tactique, devenue omniprésente et visible.
D’abord parce que les responsables politiques eux-mêmes ont cédé aux sirènes des solutions techniques voire technocratiques de courts termes : pourquoi définir les dépenses publiques prioritaires quand il suffit de compter sur l’inflation pour réduire le déficit sans rien changer ? Combien de ministres et de présidents préfèrent briller en développant des mesures faites de chiffres plutôt que d’exposer leurs objectifs politiques faits de mots ?
Ensuite parce que le système médiatique n’est plus rythmé par la « grand messe » du journal télévisé de 20h, mais fonctionne en flux continu et à coups de sondages. Les émetteurs sont nombreux et le système est complètement ouvert : les journalistes twittent et les citoyens filment ! Du fait de cette rapidité, les formes courtes dominent et, en conséquence, l’émotion prime souvent sur la réflexion. Enfin l’audience de ceux qui « fuitent » ou qui « frondent » est démultipliée, surtout quand les médias embauchent de jeunes journalistes précaires qui recherchent la « petite phrase » ou la provocation. Les « séquences » s’ajoutent les unes aux autres, apparaissant et disparaissant aussi vite. Un tel système médiatique encourage la désorganisation du pouvoir, il met en lumière les incertitudes et les « couacs »… et le condamne à la seule réaction du moment, à la tactique.
Côté citoyens, le décryptage devient un sport national : internet multiplie les sites ou les rubriques de fact checking (vérification par les faits) et de « Désintox » (Libération et Arte). Et les postures tactiques sautent aux yeux d’un peuple mieux instruit. C’est ainsi qu’en 2004, dans son ouvrage La République, les religions, l’espérance (éditions du Cerf), Nicolas Sarkozy écrivait : « La composante musulmane de la France est une réalité. Il nous faut l’intégrer, c’est-à-dire l’accepter avec ses spécificités qui enrichiront le creuset républicain. L’intégration n’est pas l’assimilation », mais affirme, 10 ans plus tard : « La République réclame l’assimilation qui donne, en partage, une culture et une histoire commune » (7 novembre 2014). Peu importe l’absence de cohérence, l’absence d’horizon politique, de stratégie, car la tactique fait la joie des communicants et autres spin doctors, elle instaure le règne des fainéants, sans contextualisation, sans hiérarchisation et finalement sans explication.